Depuis la création de l’ANAGESSA, le ferment de la libéralisation des prix au Burundi fond comme du beurre au soleil. La récente fixation par l’Etat, du prix d’un kilogramme de grain de maïs, en témoigne. Selon notre collègue Lucie Butoyi, cela n’est pas sans entrave pour les petits entrepreneurs. 

« Le prix planché d’un kilo de grain de maïs sec au producteur est désormais de 680 Fbu », exclama Déo Guide Rurema, le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et  de l’Élevage lors d’un point de presse organisé le 1er février 2021. Aussitôt  la nouvelle  tombée, aussitôt   des mesures de restrictions à propos du commerce du maïs commencent à pleuvoir. Le gouverneur de la province Ngozi bannit le commerce ambulant du maïs grillé, pour que toute la production du maïs soit achetée par l’Etat via l’ANAGESSA. La mesure de ne plus griller et vendre le maïs sur les places publiques est emboîtée par le gouverneur de la province Kayanza, avançant comme motif que ces vendeurs sont des usurpateurs de la production agricole.

Le hic

Désolation pour les petits entrepreneurs qui faisait ce commerce ambulant de maïs grillé. « Chômeur que je suis, ce commerce n’exigeait pas un grand capital et je pouvais payer mon loyer et me nourrir grâce à ce commerce, qu’est-ce que je vais devenir ? », se demande Eric Ntuyahaga de Ngozi. Même son de cloche pour Suzanne Niyongabo, veuve et mère de deux enfants. « Avec un capital de 100.000 Fbu, j’arrive à gagner 40.000 Fbu de bénéfice grâce à ce commerce, j’étais autonome financièrement et je pouvais payer le minerval et les soins de santé de mes enfants, chose qui va être impossible avec la suspension de ce petit commerce », confia-t-elle, les larmes dans les yeux.

Même désarroi pour les agro-entrepreneurs. « Alors que les agriculteurs jouissaient du choix de vendre au plus offrant, nul doute que le fait de fixer un même prix pour le maïs, va être favorable aux coopératives subventionnées par des fonds publics et qui ont bénéficié gratuitement de milliers d’hectares à exploiter, au grand dam de nous autres coopératives et simples cultivateurs travaillant avec nos propres moyens », confie Jacqueline, une agricultrice de Gitega, avant de renchérir que cela va favoriser plus la fraude, et surtout la corruption.

Des barrières à lever

Selon le ministre Rurema, toute la production du maïs va être achetée par l’Etat afin d’encourager les agriculteurs via un marché d’écoulement à un prix rémunérateur. Le bémol, c’est que si les agriculteurs ont manqué de marché d’écoulement de leur production dans les années antérieures, cela a été dû aux mesures restrictives protectionnistes qui ont entravé la libre-échange des produits agricoles en externe au-delà de nos frontières, et en interne au-delà de nos provinces.

De ma part, réfléchir sur la libéralisation des prix revient à mener une recherche sur le processus de retrait de l’Etat du marché, pour laisser les lois du marché y régir les prix. En effet, le principe de liberté du commerce via la concurrence permet d’acheter et de vendre sans restriction de monopole, et de commercer librement. Avec cette décision, cette liberté de commerce vient d’être bafouée, déséquilibrant le marché du commerce du maïs, et ces sont les petits entrepreneurs et simples agriculteurs qui vont payer le prix le plus fort.