Le décret N°100/012 du 18 janvier 2021 portant mise en place du monopole de l’Agence Nationale de Gestion du Stock de Sécurité Alimentaire « ANAGESSA » vient d’être signé, avec pour mission la gestion de la production agricole, animale et halieutique, de la production à la commercialisation. En analysant le décret, notre collègue Païnette Niyongere trouve que c’est un pas en arrière en matière de principe de liberté du commerce via la concurrence.
Le décret est tombé comme un couperet pour les agro-entrepreneurs. Pour comprendre leurs inquiétudes, les activités d’achat et de vente des produits agricoles, animales et halieutiques viennent d’être monopolisées dans les mains d’une seule agence étatique. En lisant l’article 3, le décret instaure l’ANAGESSA, qui est un monopole qui déterminera les types des produits destinés à la commercialisation. Les coopératives ou les privés potentiels dans ce domaine, s’enregistreront auprès de l’ANAGESSA chaque début d’année fiscale pour indiquer les prévisions de production par type de culture et d’élevage.
Quant à l’article 4, il enfonce le clou en donnant tout à l’État le droit d’acheter toute la production agricole, animale et halieutique, mais aussi le droit d’imposer le prix. « Sur présentation d’un projet soumis et validé par l’ANAGESSA, un contrat de production et garantissant un marché d’écoulement à un prix rémunérateur sera conclu entre l’ANAGESSA et les coopératives ou les privés potentiels, pour s’assurer de la disponibilité des quantités des produits commerciaux, et c’est l’Etat qui disponibilisera maintenant les fonds pour acheter les productions ». Et dans l’article 10, le prix de vente sera fixé par une commission composée par les ministres ayant l’agriculture, les finances, le commerce, l’intérieur et les affaires étrangères dans leurs attributions, et la chambre fédérale du commerce et de l’industrie du Burundi.
L’abus de position dominante
L’abus de position dominante consiste, pour une entreprise ou une institution publique présente sur un marché, à adopter un comportement visant à éliminer, à contraindre ou encore à dissuader tout concurrent d’entrer ou de se maintenir sur ce marché ou un marché connexe, faussant ainsi la concurrence. N’est-elle pas le cas avec l’ANAGESSA ? Les agro-entrepreneurs, jugés sans autre forme de procès, sont alors sommés de se taire, et la libre-concurrence balayée d’un revers de main.
Même les acheteurs sont contrés de s’alimenter dans l’Agence. Dans l’article 9 de ce décret, nous lisons que toute institution publique et organisation œuvrant sur le territoire du Burundi s’approvisionnera en priorité à l’ANAGESSA lorsque les produits y seront disponibles. Quant à l’article 11, c’est le ministre ayant le commerce dans ses attributions qui cherchera le marché d’écoulement à l’extérieur du pays. Une façon d’enlever la main du secteur privé dans le domaine.
Avec cette décision, « alors que les coopératives agricoles jouissaient du choix de vendre au plus offrant, et que les clients avaient aussi le droit d’acheter à des prix qu’ils jugeaient intéressants et acceptables, nul doute que ce monopole va nous serrer dans un étau fatidique par manque de concurrence », confie un employé de la coopérative Sangwe.
À quand la fin des monopoles ?
Via la libre concurrence, chacun dispose de la liberté d’exercer une activité, de produire et de vendre aux conditions qu’il souhaite. L’Etat n’intervient que pour garantir le libre jeu des règles. Avec ce décret, le marché des produits agricoles, animaux et halieutiques ne sera plus équilibré. Les entreprises et institutions en situation de monopole sont peu incitées à réduire leurs prix et à améliorer leurs produits, peu incitées à investir pour accroître les capacités productives et sont souvent en mesure de tourner les règles du jeu à leur avantage. Par-là, ce sont les consommateurs qui en payent le prix fort.
De ma part, laisser le secteur privé en agro-entreprise concurrencer l’ANAGESSA respecterait la liberté du commerce et la libre concurrence, auteur de la croissance économique globale.