Via le Zlecaf, le fait que les gouvernements africains aient mis de côté leur cupidité à court terme en acceptant d’éliminer les droits de douane est une étape positive, mais le manque d’infrastructures commerciales constitue une barrière non-tarifaire importante. Pour notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira, la solution à cette barrière repose sur le protocole d’investissement de la Zlecaf. Décryptage.
Prenons le Burundi dans l’ensemble des pays africains. La Banque africaine de développement montre que les pays africains connaissent un déficit annuel en infrastructures compris entre 68 et 108 milliards de dollars par an. Ce montant devrait atteindre 170 milliards de dollars par an d’ici 2025. Étant donné que l’Afrique a une production économique totale de 3 100 milliards de dollars par an, avec des budgets publics largement consacrés aux dépenses de consommation qu’il est politiquement difficile de réduire, le secteur privé est obligé de combler l’écart.
Le Burundi, tel qu’il est, n’est pas un endroit sûr pour le capital. La preuve en est que le taux des investissements directs étrangers ou les investissements privés intérieur est presque nulle. Que ce soit à travers les dommages causés aux investissements à cause des conflits politiques, l’incapacité à protéger les investisseurs contre la criminalité, la fiscalité excessive, la réglementation, l’inflation, etc., le Burundi n’est pas le bon élève en matière de garantir la sécurité des capitaux. C’est cela que veut changer le protocole d’investissement de la Zone de libre-échange continentale africaine. Ce protocole est une opportunité de changer cette situation en permettant aux investisseurs de construire les infrastructures nécessaires au commerce sans courir le risque que les gouvernements africains rendent leurs investissements sans valeur sur un coup de tête.
Ce que le Burundi a le plus besoin
Pour que ce protocole soit réel dans le monde du commerce burundais, les protections décrites dans le protocole d’investissement doivent être applicables de manière robuste. Les gouvernements qui violent le protocole d’investissement doivent en ressentir la douleur, et cette douleur doit l’emporter sur les avantages perçus à court terme de la violation. Ce dont le Burundi et l’Afrique en général ont le plus besoin, ce sont des institutions capables de limiter de manière crédible le pouvoir des gouvernements, et de permettre au génie de l’Africain individuel de s’épanouir. Si les considérations politiques continuent de l’emporter sur les intérêts des investisseurs dans le protocole d’investissement de la ZLECAf, ce ne sera rien d’autre que de belles paroles sur papier qui ne changeront fondamentalement rien. Cela limitera considérablement les avantages du libre-échange burundais.
La gestion des différents
Le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États du protocole d’investissement est actuellement en cours de négociation dans le cadre d’une annexe au protocole. Le protocole exige d’abord une tentative de résolution amiable, mais une fois que les mécanismes de résolution amiable des différends sont épuisés, les investisseurs devraient pouvoir s’adresser à un tribunal africain qui a de véritables pouvoirs lorsqu’il s’agit d’affronter des États africains.
Un tribunal compétent pour connaître de toutes les affaires liées à la ZLECAf, que ce soit entre des États parties ou entre un individu/une partie privée et un État partie, devrait être créé. L’annexe sur le règlement des différends devrait ensuite permettre aux appelants de ce tribunal de la ZLECAf de s’adresser à l’actuelle Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) en Tanzanie et de définir la procédure à suivre pour ce faire. Actuellement, le Burundi a ratifié le protocole établissant le CADHP, mais n’a pas encore soumis des déclarations autorisant les parties non-étatiques à l’amener à la CADHP. Cela devra être modifié par l’annexe, au moins pour les cas impliquant des appels en cas de différend entre investisseurs et États.
Selon le Professeur Hicham El Moussaoui, « le Burundi ne manque pas de bonnes idées pour se développer, ce qui manque, ce sont les institutions qui font de ces idées une réalité ». Des institutions qui protègent les individus/parties privées contre l’étatisme. Une fois que nous les aurons mis en place, grâce au traité de la ZLECAF via le protocole d’investissement, les investisseurs trouveront des moyens de surmonter les difficultés et de construire des infrastructures.