Depuis quelque temps, l’Agence nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire au Burundi a entrepris la vente du maïs récolté auprès de la population à un prix fixé par le Ministère ayant dans ses attributions l’agriculture. À travers cette analyse, notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira défend la thèse qu’en laissant la loi de l’offre et de la demande jouer son rôle, il serait possible de créer un marché plus équilibré et profitable pour tous les acteurs, des producteurs aux consommateurs.
Selon un rapport présenté le 27 février 2025 par la commission de l’Assemblée nationale sur l’ANAGESSA, l’Agence nationale de gestion du stock de sécurité alimentaire, plus de 58,6 % des stocks de graines de maïs, soit plus de 41 880 tonnes sur 71 363 tonnes, n’ont pas été vendues. Pire, une partie de ces stocks fait face aux rats et autres parasites. Cette situation relance le débat sur l’intervention de l’État dans le commerce agricole.
Les députés soulignent l’incohérence d’une acquisition de 71 363 tonnes de maïs sans qu’un marché d’écoulement n’ait été préalablement défini. « Actuellement, lorsque la production de l’ANAGESSA issue de la récolte d’une saison se superpose à celle d’une autre saison, des problèmes de stockage surgissent. De plus, la population est contrainte d’acheter cette production à un prix élevé, qui résulte des coûts liés même à l’administration et à l’entretien. Tous ces éléments amènent des distorsions économiques et des inefficacités, et le coût administratif de l’ANAGESSA est supporté par le consommateur final », explique le député Jean-Claude Nimubona, lors de la séance plénière.
Un autre exemple illustre ces dysfonctionnements. En 2024, 70 tonnes de semences de maïs hybrides provenant de 30 multiplicateurs de semences n’ont pas été vendues après la saison B. Cette mévente déplorée est liée à un écart de prix sur le marché observé entre les variétés des semences locales et les semences importées et subventionnées. « Alors que les semences subventionnées par le gouvernement burundais étaient vendues à 4 500 FBU/kg pour simplifier leur accessibilité à la population, les semences locales issues des champs des entrepreneurs semenciers burundais coûtaient 12 500 FBU/kg. Cette disparité a découragé l’achat des semences locales, pénalisant ainsi les producteurs nationaux », explique Jean Pierre BIGIRIMANA, multiplicateur des semences à Karusi.
Prix d’équilibre
Selon la littérature, les mécanismes de fixation des prix sur les marchés agricoles dépendent de plusieurs facteurs dont l’offre, la demande, les structures du marché, le degré d’organisation des acteurs de la filière et les conditions-cadres de la politique agricole et commerciale. Selon la théorie du marché, l’offre et la demande déterminent en permanence le prix. On parle de prix d’équilibre. La formation des prix par l’offre et la demande ne fonctionne parfaitement que si de nombreux offreurs font face à de nombreux demandeurs.
Cependant, dans la pratique, cette libre fixation des prix est limitée par des structures de marché souvent déséquilibrées. Souvent, il y a généralement beaucoup de producteurs face à peu d’acheteurs, de transformateurs et de distributeurs, créant ainsi un oligopole de la demande où les acheteurs détiennent un pouvoir de marché disproportionné.
Que faire au Burundi ?
Pour les produits vivriers comme le maïs, où plusieurs acheteurs et vendeurs coexistent, il est essentiel de laisser le marché fonctionner naturellement selon la loi de l’offre et de la demande. « Si le gouvernement souhaite intervenir, son rôle devrait se limiter à soutenir les investisseurs dans ce secteur. Les agriculteurs pourraient ainsi vendre leur production aux usines de transformation, permettant une consommation sous d’autres forme », confie l’économiste Faustin Ndikumana.
Pour résoudre le problème des subventions qui faussent le marché, une synergie entre les entrepreneurs semenciers privés et le gouvernement est recommandée pour élaborer une stratégie d’harmonisation de prix des semences dans tout le pays via un partenariat public-privé. Cette opération viendrait encourager la production locale et les efforts des multiplicateurs de semences.
Actuellement, l’ANAGESSA est obligée d’écouler d’abord la production qu’elle avait alors qu’il y a une autre production qui arrive. Si on veut rémunérer le paysan, il faut multiplier les opportunités d’investissement pour la transformation du maïs. Sinon, c’est le consommateur qui en paie les frais.