Le protectionnisme est souvent présenté comme une solution miracle pour relancer l’économie nationale, protéger les emplois locaux et favoriser l’émergence des industries burundaises. À l’heure où le Burundi aspire à devenir un pays émergent d’ici 2040 et développé en 2060, ne vaudrait-il pas mieux aller à contresens et explorer le libre-échange pour rendre effective cette vision 2040-2060 ? Décryptage avec notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira.
Laisse-moi commencer là où je devrai finir : même si populaire, le protectionnisme n’est pas la bonne solution pour le Burundi. Le protectionnisme, qu’il soit défensif (dirigé contre l’arrivée de produits étrangers importés dans le pays) ou offensif (cherchant à favoriser les exportations en faussant le marché extérieur), entraîne une série de conséquences néfastes pour l’économie.
En augmentant les droits de douane et en imposant des barrières réglementaires, il renchérit le coût des produits importés, ce qui pèse directement sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Par ailleurs, en réduisant la concurrence, il favorise les rentes de situation et étouffe l’innovation. Les entreprises locales, protégées de toute pression concurrentielle, n’ont plus d’incitation à améliorer la qualité de leurs produits ou à réduire leurs coûts.
Historiquement, les politiques protectionnistes ont souvent conduit à des résultats désastreux. À l’inverse, l’ouverture des marchés, comme l’a démontré l’exemple britannique au XIXe siècle, a permis une croissance économique soutenue et une réduction significative de la pauvreté. William Gladstone, en simplifiant le code douanier et en supprimant des centaines de taxes, a créé un environnement propice aux échanges et à la prospérité.
Démystification
Un des arguments parfois avancés par les partisans du protectionnisme au Burundi, est celui de la symétrie. Notre pays doit se protéger, parce que les autres pays en font autant et protègent leur marché intérieur. C’est un non sequitur. Si les autres pays décident de renchérir le prix des produits importés par des mesures protectionnistes, ils sont les premiers perdants, et il n’y a aucune raison pour les imiter dans leurs erreurs. Le protectionnisme motivé par des raisons exclusivement politiques est un jeu perdant-perdant. Pourquoi ? Parce qu’on est prêt à s’appauvrir en espérant qu’en contrepartie cela appauvrisse également l’ennemi.
Un autre argument avancé est que le protectionnisme préserve des emplois nationaux. Cette vision est trompeuse. En réalité, le protectionnisme ne fait que sauver quelques emplois inefficaces en réduisant le niveau de vie et le revenu des consommateurs de produits étrangers (car ce sont eux qui payent les droits de douane), en augmentant les coûts de production interne (les producteurs employant des produits du secteur protégé, plus chers), et en rendant par conséquent, moins compétitifs les producteurs au niveau international. Finalement, il diminue l’attractivité du pays pour les étrangers qui, ne pouvant y vendre leurs produits, ne disposent pas en retour de fonds dans la monnaie du pays protectionniste. Le résultat est que, pour sauver quelques emplois inefficaces, un bien plus grand nombre d’emplois efficaces sont détruits ou non créés.
L’erreur
Par-là, le protectionnisme crée un cercle vicieux. En limitant les importations, il réduit également les capacités d’exportation, car les partenaires commerciaux étrangers manquent de monnaie nationale pour acheter les produits nationaux. Cette dynamique finit par isoler économiquement le pays, ce qui va à l’encontre des objectifs de croissance et de développement. L’erreur ainsi du protectionnisme est de croire qu’il n’y a pas de relation entre importations et exportations, et qu’on peut agir sur les unes, supposées néfastes (les importations), sans conséquence sur les autres, supposées favorables (les exportations). Il n’y a pas d’exemple dans l’histoire d’un pays qui ait été ruiné par le libre-échange, alors que le protectionnisme appauvrit tout le monde, tant le pays qui l’instaure que les pays émergents auxquels on refuse ainsi le droit de se développer.
L’alternative
Plutôt que de se replier sur lui-même, le Burundi devrait s’inspirer des réussites passées et contemporaines en matière de libre-échange. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) offre une opportunité unique de renforcer les échanges intra-africains et d’attirer les investissements étrangers. En réduisant les barrières réglementaires et en simplifiant les procédures administratives, le Burundi pourrait stimuler l’innovation, améliorer la qualité de ses produits et renforcer sa compétitivité sur les marchés internationaux.
L’échange commercial n’est pas seulement un moteur de croissance économique ; il est aussi un vecteur de paix et de coopération entre les nations. Le protectionnisme, loin d’être une solution, apparaît alors comme un frein au développement économique. Ouvrir les marchés devient alors un impératif. En favorisant l’ouverture des marchés et en misant sur la compétitivité, le pays pourrait réaliser sa vision d’un Burundi émergent et développé. Il est temps de rejeter les illusions protectionnistes et d’embrasser les opportunités offertes par le libre-échange, pour le bien-être des consommateurs, des entreprises et de l’économie burundaise dans son ensemble.