Au Burundi, l’incitation à consommer local est en vogue. Cette approche économique, connue sous le nom de « locavorisme » ou « localisme », vise à soutenir l’économie nationale en privilégiant la production et la consommation locales. Pour notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira, cette stratégie, souvent perçue comme bénéfique, constitue une fausse bonne idée. Explication.
Imaginons une productrice burundaise typique qui vend de l’huile de palme à Rumonge. Bien qu’elle ait de petits contrats de vente à Kigoma en Tanzanie, et à Kalemie en RDC, elle écoule une grande partie de sa production dans toute la province de Rumonge, mais peine à joindre les deux bouts. Les autorités locales veulent l’aider, et décident de promouvoir les producteurs locaux en encourageant la consommation locale. La productrice se réjouit de cette initiative, qui lui permet d’augmenter ses ventes sur le marché burundais. Pour l’administration, cette mesure stimule l’économie locale, car la productrice génère davantage de revenus, paie plus d’impôts et pourrait même étendre ses activités en embauchant plus de travailleurs.
Cependant, lorsque la ville voisine de Kigoma adopte la même politique en instaurant des barrières non tarifaires pour favoriser ses propres producteurs, la productrice perd 6 % de ses ventes à Kigoma. La situation s’aggrave lorsque les autorités locales à Kalemie en RDC, suit cet exemple. Les contrats se tarissent progressivement, et l’enthousiasme initial de la productrice laisse place à la déception.
Les perdants du localisme
Initialement, la productrice produit 10 000 litres d’huile de palme. Mais avec l’expansion des préférences locales, ses débouchés se réduisent. Si cette politique profite à certains producteurs locaux, elle les confine également à des marchés restreints, les empêchant de se développer à l’échelle régionale. À terme, chaque pays pourrait se retrouver avec de petits producteurs incapables d’atteindre une taille régionale, sauf à augmenter leurs prix.
Cette fragmentation du marché engendre une inefficacité économique. Au lieu de quelques grands producteurs compétitifs capables de proposer des prix bas, une multitude de petits acteurs peu viables émerge. L’augmentation des prix qui en découle pénalise les consommateurs, qui pourraient alors se tourner vers d’autres alternatives, réduisant encore davantage la demande.
Une alternative : la compétitivité
Le localisme, synonyme de protectionnisme, illustre parfaitement le principe économique des effets visibles et invisibles. Le localisme entre en contradiction avec les principes du libre-échange. Si les gains locaux sont immédiats, comme la substitution des importations par des produits locaux, les pertes systémiques sont souvent ignorées. En interdisant les importations, les pays s’exposent à des représailles commerciales, ce qui entraîne une baisse des exportations et une réduction de la rentabilité des secteurs concernés.
Plutôt que de promouvoir le « consommer local », une solution plus durable consiste à renforcer la compétitivité des produits « Made in Burundi » sur les marchés régionaux et internationaux. Par-là, la libre-concurrence et le respect des choix des consommateurs permettent d’offrir des produits de meilleure qualité à des prix plus attractifs. En se spécialisant dans les domaines où ils excellent et en important le reste, les pays peuvent optimiser leurs ressources et favoriser une croissance économique plus robuste, conduisant à plus de prospérité.