Dans les discussions économiques au Burundi, une idée persiste : le libre-échange serait à l’origine de la fragilisation des entreprises locales. Cette perception repose sur des observations concrètes, comme la forte présence de produits importés à bas prix dans les supermarchés, qui viennent directement concurrencer les produits locaux burundais. Mais est-ce que cette vision est vraiment complète ? Est-ce vraiment la faute du libre-échange ? Éclaircissements avec notre collègue Loxane Faxcella Nzohabonayo.

En 2024, le Burundi a importé pour plus de 4 millions USD de produits de boulangerie et pâtisserie, ainsi que 768 000 USD de jus, fruits et légumes. Étonnamment, ces produits importés sont également fabriqués localement au Burundi. Souvent, les prix des produits importés sont inférieurs à ceux des produits locaux. Cette situation crée des frustrations chez les entrepreneurs burundais, qui demandent parfois des mesures protectionnistes pour sauvegarder leurs activités, tout en blâmant le libre-échange.

Pour mieux comprendre les racines du problème, prenons un exemple concret. Un petit sachet de concentré de tomates importé peut coûter autant qu’un panier entier de tomates fraîches locales. Pour les cultivateurs de régions comme Gasunu et Kiriba à Giheta, réputées pour leurs cultures maraîchères, ils se retrouvent souvent à vendre leurs tomates à des prix dérisoires, de peur de les voir invendues et finalement jetées ou données aux animaux. Cette disparité donne l’impression que les producteurs burundais ne peuvent pas rivaliser. Mais est-ce vraiment la faute du libre-échange ?

Examinons les causes 

La concurrence étrangère met en lumière un problème plus profond : le manque de spécialisation et les coûts de production élevés. Prenons l’exemple d’un entrepreneur tanzanien qui produit du jus à 2 000 BIF grâce à son expertise et à des économies d’échelle. En comparaison, un producteur burundais fait face à des coûts élevés, que ce soit pour l’électricité, les emballages importés, le transport, la bureaucratie interminable et un accès limité au financement. Ainsi, il a du mal à proposer des prix compétitifs sur le marché. Son jus se vend à 3 000 BIF, et si les consommateurs se tournent vers le jus tanzanien moins cher, ce n’est pas à cause du libre-échange. 

De même, un agriculteur burundais qui cultive du riz sur un sol peu adapté et qui a du mal à obtenir les intrants agricoles verra ses coûts grimper par rapport à un producteur situé dans une région plus favorable, avec un accès facile aux ressources. Ce dernier pourra offrir des produits à des prix compétitifs, ce qui ravira les consommateurs. Ces exemples montrent à quel point la spécialisation et les conditions structurelles sont cruciales pour rester dans la course.

Le libre-échange : un révélateur, non une cause

Le libre-échange n’est pas la racine du problème ; il met simplement en lumière les faiblesses existantes. Il révèle une économie qui n’est pas prête à affronter la concurrence, manquant d’outils pour améliorer sa productivité et soutenir ses entreprises. Dans un marché ouvert, les produits burundais doivent rivaliser avec ceux d’ailleurs, souvent fabriqués à grande échelle, avec des technologies avancées et des coûts de production réduits. 

Réduire ce défi à l’ouverture commerciale serait une vision incomplète, voire trompeuse. Les difficultés rencontrées par les produits locaux à s’imposer sont dues à des causes structurelles internes, telles que des chaînes d’approvisionnement inefficaces, l’absence d’infrastructures de transformation locale, une qualité de produit inégale et un manque de technologies modernes. Tous ces éléments freinent la compétitivité des produits locaux, même sur leur propre marché.

Le libre-échange est une opportunité

Au contraire, cette ouverture commerciale grâce au libre-échange pourrait représenter une véritable opportunité. Avec des politiques ciblées, comme le soutien à la transformation locale, la promotion de l’innovation et l’amélioration des infrastructures, le Burundi pourrait tirer parti de cette dynamique pour renforcer sa position sur le marché.

Avec des politiques bien ciblées, comme le soutien à la transformation locale, la promotion de la liberté économique, l’accès simplifié aux marchés publics et la labellisation des produits burundais, on pourrait voir les filières locales non seulement survivre, mais vraiment prospérer. 

Au lieu de rejeter le libre-échange, il est important de comprendre que l’échange crée de la valeur. Le Burundi aurait tout à gagner en se concentrant sur des réformes structurelles et libérales, essentielles pour renforcer sa compétitivité. Le libre-échange n’est pas un obstacle insurmontable, mais plutôt un reflet des lacunes à combler pour construire une économie plus résiliente et prospère.