Alors que les petites et moyennes entreprises se battent jour et nuit pour s’imposer dans le secteur formel au Burundi, elles se heurtent à de multiples obstacles, dont la lourde fiscalité. Selon notre collègue Janvier Cishahayo, cette pression fiscale tue l’engouement des Burundais à entreprendre, et encourage le développement du secteur informel, qui représente aujourd’hui 76 % des emplois non-agricoles dans le pays.
La fiscalité au Burundi est devenue un logogramme difficile à déchiffrer. Selon l’Indice de liberté économique 2025, la fiscalité constitue un fardeau à 76,1 % pour l’économie burundaise, freinant l’initiative privée des jeunes qui veulent se lancer dans l’entrepreneuriat.
Quand nous parlons de la fiscalité des entreprises, l’accent est mis souvent au taux de l’impôt sur les sociétés qui s’élève au Burundi à 1 % du chiffre d’affaires si les bénéfices sont inférieurs à 30 % du chiffre d’affaires. Il est de 30 % si les bénéfices sont supérieurs à 30 % du chiffre d’affaires. Cependant, ce n’est pas le seul impôt que les entrepreneurs doivent prendre en compte lorsqu’ils décident de créer une entreprise, d’élargir une entreprise existante. Il y aussi la taxe de consommation, l’impôt sur les dividendes (imposés à 15 %) et sur les intérêts, sans oublier les taxes qui s’ajoutent année par année dans les budgets annuels de l’Etat. À titre illustratif, 18 nouvelles mesures fiscales ont été instituées dans le budget général de l’Etat 2022-2023.
En plus des impôts et taxes, il faut aussi songer au pouvoir d’achat de la population du pays pour question de déboucher (part du marché). Au Burundi, le TVA est de 18%. Notons que ce TVA augmente le prix de vente des produits. Et lorsque le prix augmente, le pouvoir d’achat des consommateurs diminue. Ils seront obligés d’acheter peu, ce qui handicapera les quantités vendues et par ricochet le profit de l’entreprise en question.
Inégalités et distorsions
L’inégalité dans la répartition des charges fiscales aggrave la situation. En 2024, sur plus de 250 milliards de BIF exonérés, 71 % ont été accordés à seulement huit contribuables, créant un déséquilibre concurrentiel. Désiré Ntirabampa, chercheur et planificateur à l’Office Burundais des Recettes, souligne que ces distorsions fiscales étouffent les initiatives privées et ralentissent l’économie globale par le fait que les prélèvements fiscaux constituent une charge pour les entrepreneurs, laquelle se matérialisent par la réduction de leur demande ou de leur consommation.
Cette pression fiscale pousse de nombreux entrepreneurs à rester dans l’informel. Une récente descente effectuée par Déo Hatungimana, le Commissaire des Taxes Internes et Recettes non Fiscales, dans les marchés de Kamenge, Ruvumera et Ruziba, a révélé que de nombreux commerçants opéraient en dehors du cadre légal, faute de pouvoir supporter le poids des taxes. Ces entrepreneurs cherchent alors les moyens frauduleux de contourner ces taxes qui constituent un fardeau difficile à porter pour eux.
Vers une réforme urgente
La lourde fiscalité coupe la route à la liberté d’entreprise, et par ricochet, pousse la population à être moins entreprenants. Trop de taxes pulvérisent l’incitation à prendre des risques et à développer les entreprises, mais aussi, il tarit de surcroît des sources de financement que l’entrepreneur aurait pu réinvestir et allouer à de nouveaux projets innovants.
Ainsi, il faut mettre en place un système d’imposition flexible, progressif pour rendre propice l’environnement des affaires. Une reformulation du système d’imposition serait alors l’une des stratégies pour accélérer la culture entrepreneuriale au Burundi. Avec un allègement fiscal, le Burundi deviendra un refuge fiscal. Il gagnera doublement en attirant les dépôts de ceux qui veulent fuir la pression fiscale de leurs pays, et attirera aussi les entreprises pour qu’elles y installent leur siège social ; et suite à sa main d’œuvre abondante et à un prix abordable, l’allégement de la fiscalité contribuera au phénomène des délocalisations des entreprises, ce qui réduira le chômage et augmentera le PIB par habitant.