Si la croissance économique reste un objectif central au Burundi, elle ne bénéficie pas toujours à tout le monde. Le Burundi figure parmi les cinq nations africaines où la croissance inclusive a reculé ces dernières années. Une récente étude menée par notre collègue Siméon Barumwete révèle que si la croissance traditionnelle tend à marginaliser les populations vulnérables, une croissance inclusive vise à réduire les inégalités et à offrir des opportunités économiques à tous.
La croissance inclusive ne se limite pas à la simple augmentation du produit intérieur brut. Elle englobe des aspects plus larges, tels que l’accès équitable aux ressources, aux opportunités économiques et aux services de base. Oui, il faut une croissance économique rapide pour réduire la pauvreté de façon substantielle, mais pour que cette croissance soit durable, elle doit être à large assise dans tous les secteurs et inclusive quant à son impact sur la société au sens large, permettant à chaque individu, quelle que soit sa situation socio-économique, de participer activement à l’économie et d’en tirer des bénéfices.
Au Burundi, cependant, la croissance économique s’est concentrée dans des zones géographiques et des secteurs spécifiques, excluant de larges segments de la population. Les groupes vulnérables, tels que les femmes, les jeunes et les travailleurs du secteur informel, en sont les premières victimes. Pour être véritablement inclusive, la croissance économique au Burundi devrait se manifester dans les secteurs où les pauvres travaillent (comme le secteur informel) et vivent (comme en milieu rural), tout en réduisant les prix des biens de consommation essentiels.
Défis structurels à surmonter
Promouvoir une croissance inclusive au Burundi implique de s’attaquer aux inégalités structurelles, de renforcer l’égalité des genres et de soutenir le secteur informel. Selon l’étude, 80 % des répondants estiment que les inégalités de revenus se sont accentuées au cours des cinq dernières années. Cette perception reflète une réalité où les richesses sont mal réparties, ce qui alimente les tensions sociales et freine le développement économique.
Le secteur informel, qui emploie 76 % des travailleurs, est un pilier de l’économie burundaise, mais il reste synonyme de précarité. Les travailleurs de ce secteur font face à des conditions difficiles, à une absence de protection sociale et à une instabilité des revenus. Cette situation limite leur capacité à contribuer pleinement à l’économie et à bénéficier des fruits de la croissance.
L’éducation et la formation professionnelle, leviers essentiels pour une croissance inclusive, sont également insuffisantes. Seulement 4 % des répondants ont atteint un niveau d’éducation supérieure, tandis que 44 % ont terminé l’école primaire et 48 % le secondaire. Ce faible niveau d’éducation restreint l’accès à des emplois qualifiés et réduit les opportunités de mobilité sociale, en particulier pour les femmes, qui rencontrent des barrières supplémentaires, affectant leur participation économique.
Quid des solutions ?
Pour inverser cette tendance, plusieurs mesures sont nécessaires. L’amélioration de l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle doit être une priorité. Des programmes ciblés, notamment pour les femmes et les jeunes, pourraient combler les lacunes en matière de compétences et accroître l’employabilité. Par exemple, des formations en entrepreneuriat et en gestion financière permettraient aux travailleurs informels de formaliser leurs activités et d’accéder à des emplois plus stables.
Plutôt que de marginaliser le secteur informel, il est essentiel de le soutenir et de l’intégrer dans l’économie formelle. Des initiatives de microcrédit et des programmes de formalisation simplifiés pourraient offrir aux travailleurs informels un accès à des ressources financières et à des protections sociales, réduisant ainsi leur vulnérabilité et augmentant leur contribution à l’économie.
Le rôle central des politiques publiques
Les gouvernements ont un rôle clé à jouer dans la promotion d’une croissance inclusive. Cela passe par une réorientation des dépenses publiques, en réduisant les budgets militaires et politiques au profit des secteurs sociaux et économiques. Une politique monétaire souple, des institutions financières compétitives, une meilleure infrastructure des technologies de l’information et de la communication et des réformes institutionnelles sont autant de leviers pour favoriser une croissance inclusive.
Enfin, atteindre cet objectif nécessite une collaboration étroite entre les gouvernements, la société civile, le secteur privé et les think tanks. En impliquant les travailleurs et les communautés dans l’élaboration des politiques et en décentralisant la prise de décision, le Burundi pourrait créer un environnement économique où chacun a la possibilité de prospérer.