L’accès aux outils juridiques fonciers est un droit fondamental pour toute personne. Toutefois, sans une éducation adéquate, ces instruments restent inaccessibles pour de nombreuses femmes au Burundi. Notre collègue Ange Délicia Harahagazwe met en avant l’importance de l’éducation comme levier de changement, pour surmonter les obstacles à l’accès des femmes burundaises aux droits fonciers. 

En 2022, le taux d’alphabétisation des femmes en milieu rural au Burundi était de 63,9 %, contre 76,4 % pour les hommes. De plus, selon le recensement de 2008, le taux brut de scolarisation des filles était de 26,7 %, comparé à 34,1 % pour les garçons. Ces chiffres illustrent une réalité où bon nombre de femmes et de filles restent analphabètes, ce qui limite leur capacité à faire valoir leurs droits fonciers.

L’analphabétisme constitue par exemple un véritable frein pour l’obtention d’un certificat foncier. L’article 7 du décret n°100/129 du 23 juin 2026 portant modalités d’application des droits fonciers certifiés, impose que la demande de certificat foncier soit formulée par écrit. Ainsi, une femme analphabète doit dépendre d’autrui pour effectuer cette demande, ce qui la place souvent en situation de vulnérabilité, notamment vis-à-vis de son mari ou de membres de sa famille.

Conséquences

L’absence d’éducation empêche les femmes non seulement de connaître leurs droits, mais aussi de les interpréter correctement. Mathilde Sinamenye, une femme burundaise, illustre bien cette réalité : « En 2023, mon mari a vendu un lopin de terre sans que je ne puisse réagir. Quand j’ai voulu vendre mon usufruit pour financer l’éducation de mes enfants, il m’a dit que je n’en avais pas le droit sans son accord ».

 

Même lorsqu’elles connaissent leurs droits, les femmes doivent affronter la complexité des textes juridiques, rédigés dans un langage technique et souvent étrangère, inaccessible pour les personnes peu instruites. De plus, elles ignorent parfois les opportunités offertes par la certification foncière. Akindavyi Annonciate, de la commune Buhinyuza, l’exprime ainsi : « Je suis inscrite sur le certificat foncier de notre ménage, mais je ne savais pas que ceci peut me servir d’hypothèque à la banque pour accomplir des mini-projets pour ma propre autonomisation économique ».

L’analphabétisme des femmes trouve en partie son origine dans la culture burundaise. Pendant longtemps, les filles étaient destinées aux tâches domestiques, la scolarisation étant réservée aux garçons. Cette mentalité persiste encore dans certaines communautés rurales, limitant ainsi l’accès des femmes à l’éducation et, par conséquent, aux outils juridiques fonciers.

Quelles solutions ?

Pour permettre aux femmes de bénéficier pleinement de leurs droits fonciers, l’éducation doit être au cœur des stratégies de développement. Cela passera par des politiques inclusives bien conçues pour encourager la scolarisation et la rétention des filles à l’école, par des investissements dans une éducation de qualité et à son engagement.

Dans les milieux ruraux, des améliorations s’imposent comme la mise en place de caravanes juridiques. Ces initiatives pourraient accompagner les femmes dans leurs démarches foncières, en leur expliquant leurs droits et les procédures à suivre. Aussi, encourager une masculinité positive en sensibiliser les hommes, notamment les pères de famille, pour qu’ils soutiennent l’éducation de leurs filles et reconnaissent leur droit à l’autonomie économique.

L’éducation est un puissant levier d’émancipation pour les femmes burundaises, pour que chaque femme puisse accéder aux outils juridiques fonciers en toute autonomie et confiance. Elle leur permet non seulement de revendiquer leurs droits fonciers, mais aussi de contribuer activement au développement économique et social du pays.