L’accès à une justice équitable et abordable est crucial pour résoudre les conflits fonciers, un enjeu particulièrement important pour les femmes. Au Burundi, comme l’explique notre collègue Janvier Cishahayo, la procédure judiciaire en matière d’immatriculation foncière est non seulement coûteuse, mais s’étend également sur plusieurs années. Comment peut-on y remédier ? Coup de projecteur.
Selon une étude réalisée par GUTWARA NEZA en 2008, le document de politique sectorielle montre que l’accès à la justice pour la Burundaise se heurte à plusieurs obstacles. Parmi ceux-ci, il y a le coût élevé de la procédure, l’éloignement des tribunaux, l’ignorance des lois, des outils juridiques et des procédures judiciaires, l’absence d’assistance judiciaire, ainsi que la peur des milieux judiciaires.
Les statistiques de 2012 révèlent que dans les 34 % de la population burundaise qui ont un accès limité à la justice, 49 % d’eux sont des femmes. Et lors des consultations communautaires menées en décembre 2010, dans le cadre des mécanismes de suivi du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté, il a été souligné que les frais de justice étaient trop élevés pour les justiciables peu fortunés comme les femmes, dans un pays avec seulement 269 USD de produit intérieur brut (PIB) par an.
À titre illustratif, les frais d’acquisition peuvent atteindre jusqu’à 50 000 BIF pour les frais de dossier et 40 000 BIF pour l’enregistrement. Une barrière financière freinant l’autonomie des femmes et l’atteinte de leur liberté financière. Me Jacques BITABABAJE, avocat, explique : « Il faut dix jours pour interjeter appel en matière sociale. À part ce délai qui est long, les frais de transport du dossier (1 000 BIF par page) sont très élevés, ce qui handicape les justiciables peu ou pas fortunés ».
N° | Libellé | Anciens tarifs | Nouveaux tarifs |
1 | PV d’enquête ou d’instruction | 1000 | 5000 |
2 | Chaque copie du PV | 500 | 2000 |
3 | Réquisition d’information, à expert ou d’interprète | 3000 | 6000 |
4 | Tout mandat ou ordonnance du juge | 500 | 2000 |
5 | Rapport d’expertise ou PV d’audition d’interprète | 5000 | 10000 |
6 | Feuillet de cautionnement/liberté provisoire | 500 | 2000 |
7 | Ordonnance de taxation | 500 | 2000 |
Source : ordonnance conjointe portant modalités d’application des dispositions de l’article 144 de la loi No1/19 du 28 juin 2024 portant fixation du budget général de la République du Burundi pour l’exercice 2024/2025 montrant la hausse des tarifs appliqués par les Tribunaux de résidence au Burundi.
Ces hausses de tarifs rendent l’accès à la justice encore plus difficile pour les justiciables pauvres, malgré la loi prévoyant la gratuité de certaines procédures sociales. Selon Me Jacques BITABABAJE, un gros dossier peut coûter entre 500 000 BIF et 1 000 000 BIF, et la gratuité ne s’applique que sur les frais de consignation.
Anne Marie Girukwigomba, une sexagénaire impliquée dans un conflit foncier familial qui l’oppose à ses frères à Kayanza, se désole : « Les frais déboursés, du procès-verbal d’enquête au procès-verbal d’audition d’interprète, sont énormes. Maintenant, que j’ai fait appel, je manque de ressources pour continuer mon dossier ».
Des réformes nécessaires pour réduire les coûts
Il est crucial d’engager des réformes pour instaurer des indemnités d’assistance judiciaire et réduire les coûts des procédures. L’aide juridique de « première ligne », comme pratiquée dans de nombreux pays, devrait être accessible à tous, en fonction des capacités de chacun. Cette facilité devrait d’abord cibler les femmes qui sont vulnérables dans des procédures pénales, et s’étendre progressivement à d’autres domaines comme le civil, le social, et l’administratif, en fonction des ressources disponibles.
Et pour garantir une assistance judiciaire à faible coût, il est impératif de mettre en place un cadre précis qui définisse les responsabilités des professionnels de cette facilité juridique. Un tel cahier des charges guidera leur intervention et permettra d’assurer une meilleure accessibilité à la justice pour tous.