Malgré les avancées significatives dans les politiques foncières grâce au projet Why Women, les femmes burundaises rencontrent encore de nombreux obstacles pour accéder aux outils juridiques fonciers. L’une des principales causes, selon notre collègue Loxane Faxcella Nzohabonayo, reste la coutume burundaise, qui perpétue des inégalités profondes.
Comment convaincre un mari de consulter sa femme avant de vendre une partie ou la totalité de la terre, une fois que celle-ci est inscrite sur le certificat foncier ? Pourquoi le nom de la femme ne pourrait-il pas apparaître sur un contrat de vente ou d’achat d’une propriété acquise conjointement ? Comment faire comprendre à une famille que le certificat foncier garantit aux filles et aux femmes leur portion de terre, appelée « Igiseke », dans un contexte où les terres se morcellent et s’amenuisent progressivement ?
Ces questions préoccupent de nombreuses femmes au Burundi. Bien qu’elles jouent un rôle primordial dans la production agricole, les croyances socio-culturelles et les pratiques discriminatoires, ancrées dans la coutume, limitent leur accès à la terre et aux outils juridiques qui assurent leur sécurité foncière.
La coutume, un frein récurrent
Pourtant, selon l’article 313 du Code foncier du Burundi de 2011, toute personne, homme ou femme, peut demander un certificat foncier comme preuve de propriété foncière. Les femmes ayant acquis individuellement des parcelles ou les veuves peuvent enregistrer leurs droits fonciers. Cependant, dans la pratique, la coutume prend souvent le dessus sur la loi.
Lors de l’introduction du certificat foncier communal en 2011, les biens du ménage étaient systématiquement enregistrés sous le nom du mari, considéré par le code des personnes et de la famille comme le chef de la communauté conjugale. Cela a entraîné de nombreux abus, tels que l’hypothèque des terres sans l’accord des épouses ou la vente clandestine des propriétés familiales, mettant en péril la sécurité foncière des femmes et des enfants.
Pour Lambert Hakuziyaremye, expert socio-anthropologue, le patriarcat a fonctionné depuis longtemps et a fini par être intériorisé par plusieurs générations de Burundais. Si les parents décèdent avant d’avoir exprimé leurs dernières volontés concernant le patrimoine foncier, les frères refusent catégoriquement que leurs sœurs bénéficient du privilège de certifier leurs portions de terre. Dans ce contexte, il est facile de comprendre pourquoi les femmes burundaises restent lésées en ce qui concerne leur accès à certains outils juridiques, comme le certificat foncier ou l’inscription de leur nom sur un contrat de vente ou d’achat d’une propriété conjugale.
Quelles solutions ?
Dr Alexis Manirakiza, chercheur au CDE Great Lakes, affirme que l’inscription du nom de la femme sur le certificat foncier ou le contrat d’achat et de vente est une des solutions essentielles pour garantir sa sécurité foncière. Face aux résistances culturelles, seule une approche inclusive et transformatrice permettra aux femmes burundaises d’accéder pleinement à leurs droits fonciers. Il est donc essentiel de promouvoir la masculinité positive afin de déconstruire les préjugés culturels liés au foncier. Il faut aussi limiter l’influence de la coutume sur l’application des lois en militant pour une réforme des structures coutumières et une loi claire sur le régime successoral. Cela sans oublier une sensibilisation communautaire sur l’égalité des genres et l’importance de la sécurité foncière pour la femme burundaise.