Le Kenya, voisin du Burundi dans l’Est African Community, est sur le point d’obtenir une reconnaissance nationale du Bitcoin, au moyen d’un projet de loi. Une preuve que le Bitcoin se propage à bas bruit en Afrique, à l’exception notable du Burundi où il est encore interdit. Que devrait savoir un Burundais lambda sur le Bitcoin, et quel est son impact potentiel pour le pays ? Éclaircissement de notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira.

Au Burundi, le Bitcoin a une position ambiguë, tant boudé par les autorités qu’adopter par la population citadine. En 2019, plus de 20 000 Burundais faisaient commerce du Bitcoin. Aujourd’hui, l’usage du bitcoin se fait clandestinement, car le 20 août 2019, la Banque Centrale du Burundi a interdit le Bitcoin ainsi que toutes les autres cryptomonnaies. La raison avancée était que le Bitcoin, en tant que monnaie numérique décentralisée, n’est ni régulé, ni contrôlé, ni garanti par une institution étatique.

Toutefois, cette interdiction est en partie due à un manque d’information. Le Bitcoin est confondu avec d’autres cryptomonnaies, alors que sa proposition de valeur est bien différente et unique.

Comment comprendre le Bitcoin au Burundi ?

Prenons le cas d’Emelyne Sinamenye, une commerçante transfrontalière, habitant dans la commune de Gisuru, à Ruyigi. Comme le Franc Burundais est souvent dépréciée et dominée au niveau régional, cela rend difficile les paiements transfrontaliers pour Mme Emelyne. Sans agence bancaire à proximité, il est difficile à elle d’ouvrir un compte bancaire. Avec une faible couverture en réseau mobile, elle ne peut pas utiliser une application mobile Lumicash pour payer ses factures. Sans banque à proximité, elle a perdu ses économies en juin 2023 lors de la démonétisation. Ses billets de banque ont été transformés en simples morceaux de papier inutilisables.

Pour Emelyne, et pour de nombreux Burundais confrontés à des situations similaires, le Bitcoin propose des solutions simples et accessibles. Face à la faible inclusion financière (21,92 %), le Bitcoin ne nécessite pas de pièce d’identité ou d’adresse postale, ni de compte bancaire pour en profiter. En tant que réserve de valeur décentralisée, le Bitcoin réduit la dépendance à des monnaies locales instables, et protège contre l’inflation et la dévaluation de la monnaie. En réduisant les frais de transfert, les envois d’argent par la diaspora peuvent se faire à des coûts quasi nuls. Face au commerce transfrontalier, le Bitcoin facilite les transactions internationales en éliminant les barrières liées au cloisonnement monétaire. 

Monnaie de la liberté

Le Bitcoin se distingue par sa résistance à la censure, aux saisies, aux frontières et aux autorisations gouvernementales. Les transactions se déroulent directement entre pairs, sans intermédiaires comme les banques ou des plateformes réglementées telles que Lumicash ou Ecocash. Le stockage n’est pas géré par une banque, mais par les utilisateurs eux-mêmes.

Contrairement aux monnaies traditionnelles, l’émission de Bitcoins n’est pas déterminée par une banque centrale. Les transactions ne peuvent pas être stoppées, et il n’est pas nécessaire de révéler votre nom, votre adresse ou votre numéro de téléphone pour l’utiliser. Vous avez simplement besoin d’un accès à internet. Et quand les libertés individuelles et l’expression des minorités ne sont pas toujours garanties, l’anonymat relatif offert par le Bitcoin peut être précieux, notamment pour les activistes engagés. 

Désormais, considérons le Bitcoin non comme un simple instrument de spéculation, mais comme une technologie capable de transformer le système financier Burundais, et de libérer le potentiel économique du Burundi. Son utilisation pourra libérer toute une génération qui ne demande qu’à construire son propre chemin et à prendre en main son destin afin de propulser le Burundi vers l’émergence et le développement.