Avec la Zlecaf, il ne fait aucun doute que l’Afrique est sur une pente ascendante en matière de libre-échange commercial, moteur du décollage économique. Un livre intitulé « AFRICA’S FREE TRADING FUTURE, A comprehensive look at the African Continental Free Trade Area » vient de s’y atteler. Notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira, un des auteurs du livre, nous invite à le redécouvrir.

Contrairement à l’idée erronée que le libre-échange est une importation occidentale, ce recueil de 35 pages aborde l’histoire du libre-échange en Afrique subsaharienne, en mettant en lumière l’importance des pratiques commerciales indigènes, qui ont été perturbées par le colonialisme. Le livre montre que les sociétés africaines indigènes avaient déjà des réseaux commerciaux denses bien avant la colonisation européenne, reliant diverses régions du continent et des partenaires mondiaux, comme l’Asie centrale, le Moyen-Orient et le sous-continent indien, favorisant la création de richesse. 

Le livre montre comment le projet de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) vise à restaurer ces pratiques commerciales pré-coloniales en supprimant les barrières commerciales qui ont été imposées par la colonisation. Ce dernier a fragmenté les anciennes économies régionales et créé des systèmes économiques extractifs orientés vers l’exportation, au détriment des liens commerciaux traditionnels. La Zlecaf représente donc une opportunité de rétablir l’intégration économique du continent, en tirant parti des technologies modernes pour surmonter les obstacles naturels à cette intégration.

Les bénéfices anticipés

L’objectif principal de la Zlecaf sera de libéraliser le commerce des biens et services entre les pays signataires de l’accord, créer un marché unique, améliorer la compétitivité des économies africaines, promouvoir le développement industriel, résoudre les problèmes liés aux communautés économiques régionales et préparer la création d’une future union douanière continentale. Dans la session III, le livre met en lumière les bénéfices anticipés de la Zlecaf. Avec la Zlecaf, il y aura réduction des coûts commerciaux, facilitation des exportations et potentiellement sortir 50 millions d’Africains de la pauvreté extrême, avec une augmentation de la croissance économique estimée de 571 milliards de dollars de revenus.

La suppression des tarifs pourrait doubler la part des exportations intra-africaines d’ici 2035, stimulant l’augmentation du commerce intra-africain. L’élimination des tarifs réduira aussi les coûts des biens de consommation, offrant plus de variété et d’efficacité aux consommateurs et producteurs africains. La Zlecaf va aussi générer des emplois, notamment dans l’industrie et l’agriculture, et augmenter les salaires, surtout pour les femmes et les jeunes.

Les défis à relever

Toutefois, des défis tels que les barrières non-tarifaires, les différends sur les règles d’origine, le manque de technologie et d’infrastructures, et la présence de nations récalcitrantes pourraient limiter son efficacité. Les tendances protectionnistes et les menaces potentielles doivent être surmontées pour que la Zlecaf atteigne son plein potentiel. 

Les barrières non-tarifaires, comme les licences d’exportation et les restrictions quantitatives, freinent déjà le commerce transfrontalier et devront être réduites pour garantir le succès de l’accord. De plus, les règles d’origine, essentielles pour déterminer quels produits peuvent bénéficier des tarifs préférentiels, nécessitent encore des négociations. L’accès limité à Internet, particulièrement en Afrique de l’Est et du Centre, constitue un autre défi pour faire connaître les opportunités du marché. L’Afrique doit également investir massivement dans les infrastructures pour surmonter les disparités régionales et améliorer l’accès aux routes et à l’électricité. La réduction des tarifs douaniers entraînera une perte de revenus pour les États, mais les bénéfices à long terme devraient compenser cette perte. 

Par ailleurs, des réformes sont nécessaires pour rendre les réglementations plus favorables aux entreprises. Enfin, l’absence de liberté économique dans plusieurs pays africains et la résistance au libre-échange, notamment en raison de l’influence des acteurs protectionnistes, pourraient freiner la mise en œuvre de la Zlecaf.

Impact sur le secteur manufacturier et agricole

Dans le secteur manufacturier, la Zlecaf va réduire les barrières commerciales et augmenter les échanges intra-africains. L’exportation de produits manufacturés pourrait ainsi augmenter, offrant une plus grande diversification et une résilience accrue. Les pays d’Afrique subsaharienne, malgré des inefficacités, ont montré des signes de croissance industrielle, et la Zlecaf va aider à accélérer cette tendance. Par exemple, d’ici 2035, les exportations manufacturières intra-africaines devraient augmenter de 110 %.

Dans le secteur agricole, la Zlecaf va améliorer la situation en réduisant les obstacles au commerce et en facilitant l’accès à de nouveaux marchés pour les producteurs agricoles. Les exportations agricoles africaines sont encore dominées par un petit nombre de produits, et une plus grande intégration régionale pourrait augmenter les revenus et renforcer la compétitivité des producteurs africains. Cependant, les défis comme le manque d’irrigation, l’accès limité aux intrants agricoles et à l’électricité, ainsi qu’une faible mécanisation, devront être résolus pour que les producteurs tirent pleinement parti des avantages de la Zlecaf. Les droits de propriété doivent également être protégés pour inciter les producteurs à réinvestir dans l’agriculture, renforçant ainsi la sécurité alimentaire.

Alors que l’Afrique a été marquée par le protectionnisme depuis la fin du colonialisme, ce qui a freiné la croissance économique, le libre-échange via le Zlecaf va offrir un potentiel considérable pour les économies africaines. Si elle est mise en œuvre avec succès, la Zlecaf fera de l’Afrique une puissance économique.