Pour l’écrasante majorité des économistes, la question ne se pose pas : le libre-échange a toujours été, et continuera à être, une solution aux pénuries de tel ou tel autre produit, absent dans un pays X mais présent dans un autre pays frontalier Y. Face à la pénurie du carburant qui sévit au Burundi, notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira interpelle les décideurs à ne pas négliger le rôle du commerce transfrontalier dans le dénouement de cette crise du carburant.
Ça fait trois ans que le Burundi connaît une carence en carburant. Cette pénurie s’incruste durablement. Une triste réalité à laquelle les Burundais commencent à s’habituer, et qui malheureusement, influe négativement sur les prix des biens et services. Des solutions ici et là ont été mise en place, mais aucune n’a donné le résultat escompté. La gestion étatique via la Regideso, et le monopole de la société pétrolière du Burundi n’ont venu que pour enfoncer le clou. Des fausses bonnes solutions qui ont entravé le libre-échange, exacerbant la crise.
Sauf que certains burundais, clairvoyants, ont vu dans le commerce transfrontalier un saint auquel se vouer. Comme preuve, les provinces de Cibitoke transfrontalier avec la République démocratique du Congo, et les provinces de Muyinga et Makamba transfrontalières avec la Tanzanie, ne souffre pas de cette pénurie comme les autres provinces du pays. Ils s’approvisionnent dans ces pays limitrophes, ce qui diminue les affres de cette crise sur leur train de vie. Ils ont compris que le libre-échange généré la prospérité parce qu’il alloue de manière optimale les ressources rares du pays, et stabilise l’offre en permettant des compensations entre les excédents et déficits des pays.
Ne change pas la main qui gagne
Quand on a eu une solution qui fonctionne, on ne la change pas sans raison. Il faut la conserver de manière à en tirer le plus de réussites et de bénéfices possibles. Le hic, la bonne solution que présente le commerce transfrontalier, n’a duré que le temps de la rosée. Mi-juin, les véhicules portant l’immatriculation burundaise sont interdits de se ravitailler en carburant à la frontière de Kavimvira en RDC. Puis à Makamba, la gouverneure de la province demande aux propriétaires d’engins roulants qui se procurent du carburant en Tanzanie de cesser leurs activités, sous peine de sanctions sévères.
Face à ces mesures prises, et devant cette nécessité absolue de survie, les Burundais des zones transfrontalières contournent les postes de contrôle officiels pour continuer les échanges transfrontaliers du carburant. « Via ces mesures, alors que c’est même l’un des avantages de l’EAC, le Burundi n’est-il pas en train de prendre une fausse bonne route dans la gestion de cette crise de pénurie de carburant ? », se demande plus d’un.
Des questions fusent alors de partout. « Si le Burundi n’a pas de carburant, et qu’il y en a dans les pays limitrophes, avec l’avantage de l’union douanière de l’EAC, au lieu de reléguer le libre-échange au second plan des stratégies politiques, le commerce transfrontalier devrait être la solution légitime pour faire face à cette pénurie, baisser le prix du carburant pour les fraudeurs, et permettre d’augmenter la quantité de carburant qui entre dans le pays », explique Gilbert Ndikuriyo, un chauffeur Burundais qui vient de passer trois mois au chômage à cause du manque de carburant, avant de renchérir qu’in fine, « c’est le Burundi et les burundais qui en sortiront gagnant ».
Rôle incontournable du commerce transfrontalier
L’EAC étant une union douanière, les marchandises doivent circulent librement. Il n’est donc pas fondé ces mesures qui empêchent le peuple de se débrouiller pour survivre. À quoi bon d’adhérer dans une organisation sans pour autant bénéficier de ses avantages ? Pourquoi lancer le projet de Facilitation du Commerce et de l’Intégration dans la région des Grands Lacs et lui tendre des bâtons dans les roues avec ces mesures controverses ?
La sauvegarde d’un système commercial transfrontalier ouvert et inclusif est primordiale, comme le souligne un récent rapport de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui soutient qu’un commerce ouvert (par opposition à une situation où chaque pays protège ses propres producteurs et ses propres produits) est le meilleur moyen d’atténuer les coûts énormes et croissants que représente la crise du pénurie au Burundi.
Pour Dr Franck Arnaud Ndorukwigira, directeur de recherche au CDE Great Lakes, un think tank qui prône la liberté économique comme socle de la prospérité, il faut faciliter le commerce transfrontalier au Burundi pour améliorer la prospérité, la stabilité et l’intégration. En facilitant les échanges entre les pays via le Zlecaf, et en développant certaines chaînes de valeur commerciales, le commerce transfrontalier est le meilleur moyen pour lutter contre la pauvreté, l’insécurité alimentaire, les pénuries de tel ou tel autre produits, les conflits et d’autres vulnérabilités socio-économiques dont souffrent les populations locales.