Le 28 mai de chaque année, est célébrée la journée internationale de l’hygiène menstruelle. Alors qu’au Burundi des milliers de filles et de femmes rencontrent des difficultés pour vivre dignement leurs menstruations, notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira milite à la suppression des barrières économiques et culturelles pour lutter contre la pauvreté menstruelle.

La réalité est déplorable. Entre 2021-2022, 7 504 filles sur 27 937 se sont absentées de l’école en raison de leurs menstruations par manque de serviettes hygiéniques et manque d’infrastructure adapté pour une gestion intime et digne de l’hygiène menstruelle. 

Ce manque de serviette hygiénique est dû à ce que les serviettes hygiéniques sont considérées comme produit de luxe et sont taxées à raison de 18 %, ce qui constitue une barrière économique à la bonne gestion de l’hygiène menstruelle pour de nombreuses filles et femmes burundaises. En 2017, elles étaient évaluées à 31,6 % des Burundaises qui utilisaient encore des vieux morceaux de pagne, de feuilles ou même des chiffons comme serviettes hygiéniques.

Au-delà des aspects économiques, les menstruations sont encore taboues au Burundi. En raison de nos traditions culturelles, les familles vont tenir à l’écart les filles et les femmes lorsqu’elles ont leurs règles. Considérées comme sales, il va être demandé aux femmes et aux filles durant leurs règles, de s’isoler car considéré comme impure, ou de ne pas participer à des activités quotidiennes, comme traire la vache.

Une fiscalité indécente

D’après l’économiste Kelvin Ndihokubwayo, la fiscalité a trois principaux rôles. Un rôle financier pour financer l’action publique, un rôle économique pour encourager ou décourager un comportement ou un secteur particulier, et un rôle social pour venir en aide aux nécessiteux. De cette explication, la fiscalité sur les produits hygiéniques à usage féminin est injustifiée. Elle n’a aucun sens social, car elle affecte de misérables femmes alors qu’au même moment, les membres du parlement et du gouvernement se voient permettre d’importer des véhicules exonérés de droits de douane. Quel sens de justice sociale y a-t-il à favoriser davantage ceux qui le sont déjà ? Qu’est-ce qu’on peut viser en décourageant l’achat de produits sanitaires de première nécessité à usage féminin ? Si c’est de l’argent étatique qu’il faut, le gouvernement ne toque certainement pas à la bonne porte.

Détaxons les règles

Compte tenu de cette fiscalité injuste, de cette précarité menstruelle et son impact sur le développement national, la détaxation des serviettes hygiéniques serait salutaire à plus d’un titre. Une étude espagnole sur la fiscalité et les questions d’égalité entre hommes et femmes, a montré qu’une TVA appliquée aux serviettes hygiéniques est une violence basée sur le genre. « Avec cette taxe, il s’agit d’une atteinte aux femmes en tant que groupe social qui vise des produits de première nécessité auxquels elles ne peuvent renoncer et qui sont directement liés à leur santé », confie l’étude.

Dans une autre étude Sud-africaine, un groupe d’experts a analysé si les serviettes et tampons hygiéniques devaient faire partie des articles assujettis à une TVA de 0 %, et si une telle mesure pouvait entraîner une baisse de la pauvreté liée à la menstruation. L’analyse concluait « qu’un taux de 0 % avait un impact sur l’amélioration de l’accès des femmes et filles à ces produits dans les ménages à faible revenu, et par ricochet à l’économie nationale ». Ce groupe d’expert a recommandé donc que ces produits bénéficient non seulement d’un taux de TVA de 0 %, mais qu’ils soient également accessibles gratuitement pour les femmes faisant partie de cette tranche de revenus.

No more barriers

Comme solutions, d’un, il faut sensibiliser nos communautés pour les faire comprendre que les menstruations sont un phénomène physiologique de l’organisme féminin sans aucune signature de malédiction ou d’impureté. De deux, une détaxation des produits hygiéniques contribuerait à faire chuter le prix et rendre ces produits plus accessibles pour plus de dignité humaine et plus d’égalité homme-femme. De trois, ces produits devraient être reconnus comme des produits de santé pouvant être remboursés par le système de soins et des assurances, voire même délivré gratuitement.