La zone de libre-échange continentale africaine est une opportunité pour le Burundi, de se frayer un chemin pour booster ses échanges commerciaux avec le reste des pays du continent. Cependant, pour libérer le potentiel du commerce Burundais dans la Zlecaf, la langue reste un obstacle pour l’épanouissement des échanges. Analyse.
Selon le Bulletin des statistiques de l’Office Burundais des recettes, la RDC au premier trimestre 2023 a le plus exporté du Burundi (21,4 %), suivi du Soudan (5,1 %), de l’Ouganda (9,8 %), de l’Egypte (3,9 %), de la Tanzanie et du Kenya. C’est au moment où la Tanzanie constituait le principal marché d’importation avec 13,8 %, suivi de l’Ouganda (4,8 %), du Kenya (4,6 %) et de l’Egypte (7,7 %).
Ces chiffres témoignent que les Burundais dans la ZLECAF échangent beaucoup plus avec le monde d’affaires congolais (RDC), soudanais, ougandais, égyptien, tanzanien, et kényan. Pour mieux s’intégrer dans le Zlecaf, il faut qu’un entrepreneur soit polyglotte. Non seulement cela augmente les chances de développer des relations de confiance avec des partenaires d’affaires étrangères, mais également de communiquer plus efficacement, de faciliter les processus de vente et de négociation de contrats et de faire des voyages d’affaires à l’étranger.
Or, dans notre pays, le dégrée de maîtrise des langues est à son plus bas niveau. La langue nationale qui est le Kirundi est parlée à 98,3 % par les commerçants Burundais, alors qu’elle affiche une faible vitalité par rapport à l’intégration des concepts du monde moderne et à l’adaptabilité face aux exigences de la science et de la technologie. Selon les critères établis par l’Unesco, pour analyser la vitalité d’une langue, le Kirundi affiche un indice de vitalité équivalant à 3,16. Ceci amène à conclure que, bien que parlé par la plus grande majorité de la population (plus de 95 %), le Kirundi dans la ZLECAF est à usage local.
Le swahili, pour les échanges
Parmi les pays de la ZLECAF qui échangent avec le Burundi, le Swahili ressort comme la langue la plus utilisée dans les échanges. Elle est parlée dans quatre (4) pays sur sept (7) qui échangent avec le Burundi, majoritairement de l’EAC. Cette langue compte 200 millions de locuteurs dans dix pays, qui l’utilisent. Cette zone swahiliphone va des cinq provinces orientales de la République démocratique du Congo au Mozambique, en passant par le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi, la Tanzanie, le Kenya et la Somalie. Pour Claude Nzojibwami, un homme d’affaires burundais qui commerce surtout dans l’EAC, il a dû se tourner à l’apprentissage du swahili, car il observait des difficultés à communiquer lorsqu’il se retrouvait sur le territoire kényan ou tanzanien. « Le maniement du swahili m’a ouvert les portes pour d’innombrables autres opportunités » témoigne-t-il.
L’anglais en pivot
Melchisédech BOSHIGWA, jeune entrepreneur burundais à la tête du start-up ANDIKA SOLUTIONS indique que l’usage de l’anglais comme outil de travail dans sa boite à attirer une autre catégorie de clients et de partenaires pour son affaire. « Durant l’an 2023, j’ai décroché des contrats de traduction aux USA et je viens de concrétiser de nouveaux contrats de partenariats avec des organisations en provenance du monde anglophone », conclut-il.
L’arabe et le Français en atout
Estimée à 3 400 individus qui parlent la langue arabe au Burundi, elle se positionne à la deuxième place des langues parlées au sein de la ZLECAF avec plus de 100 millions d’Africains arabophones. Parmi ces partenaires commerciaux de la ZLECAF, le Burundi échange avec la République arabe d’Egypte (3,9 % des exportations au T1 2023) et le Soudan (5,1 % des exportations au T1 2023). La langue arabe a facilité le commerce dans le monde et au Burundi, on retrouve dans les zones urbaines la population arabe dans les commerces et magasins.
Avec plus de 90 millions de locuteurs dans 26 pays, le français constitue la 3e langue étrangère la plus parlée dans la ZLECAF. C’est la deuxième langue officielle du pays après le kirundi, mais elle n’est pratiquée que par moins de 10 % de Burundais.
La langue, cet outil à l’intégration
Le monolinguisme constitue un véritable obstacle à la réussite. Pour de jeunes entrepreneurs de la région des grands lacs qui œuvrent ou rêvent de proposer leurs services au-delà des frontières via le libre-échange, une bonne maîtrise des langues étrangères doit être une nécessité absolue à laquelle il faut s’y préparer. Et d’ailleurs, depuis l’adhésion du Burundi à la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est, l’anglais et le swahili sont obligatoirement enseignées depuis la première année de l’école primaire.
Il est clair que sans toutefois délaisser les langues actuellement utilisées au Burundi (le Kirundi et le français), il faudrait remobiliser encore d’efforts pour vulgariser l’utilisation des langues qui seraient encore intangibles dans l’implémentation de la ZLECAF (le Swahili, l’Anglais, et l’Arabe). Ainsi, le Burundi se dotera d’un milieu d’affaires où tous les obstacles à l’application des langues seront diminués voire éliminés.
Credit photo: Journal Burundi Eco