La stratégie de mise en œuvre de la Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAF) s’inscrit dans le cadre des efforts du Burundi visant à libérer le potentiel du commerce et à faciliter le libre-échange avec ses partenaires africains. Cependant, il s’observe des mesures restrictives qui sont prises, empêchant l’essor du commerce national et régional.
« Un commerçant qui voudra s’approvisionner en produits alimentaires non-périssables dans les autres provinces du Burundi, doit écrire une lettre décrivant les produits qu’il veut acheter, le lieu où il va s’approvisionner, la nature et la quantité des produits, l’identification du véhicule qui va les transporter et le nom de son chauffeur…, pour ceux qui voudront exporter ces produits, ils demanderont des autorisations spéciales… », est la déclaration du Ministère de l’Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité Publique, aux gouverneurs des provinces et des représentants de la police nationale réunis à Bujumbura en date du 6 juin 2023.
Jean Claude Nsabiyumva, un petit commerçant transfrontalier évoluant dans la commercialisation des oignons tubercules s’inquiète : « Comment nous autres qui ont un petit capital ne dépassant même pas 100 000 BIF, l’Etat nous oblige de chercher tous ces documents ? Ces procédures rendent notre travail très difficile, nous risquons de perdre notre gagne-pain ».
Mesure contre-productive
Face à cette mesure sur la restriction des denrées alimentaires, les conséquences ne se sont pas fait attendre. Il s’observe une hausse généralisée des prix des denrées alimentaires à l’échelle nationale dépassant parfois le prix des produits importés. L’Institut National de la Statistique du Burundi affichait une l’inflation annuelle de 28,3 % au mois d’octobre 2023. Il souligne que cette inflation est tirée en grande partie par les prix des produits alimentaires qui enregistreraient une hausse de 40,5 %.
Et le grand hic, les denrées alimentaires locales sont plus chères par rapport aux produits des pays qui ont ratifié les protocoles de la ZLECAF et qui ont déjà commencé à implémenter ses outils. Dans l’EAC, la Tanzanie, un géant de la communauté exporte ces produits de pêche vers le Burundi. Les prix du poisson dit « Mwanza » en provenance du pays de Nyerere dament le pion au « Ndagala » du lac Tanganyika pêché au Burundi. Un kilo de Ndagala coûte 60 000 BIF au moment où le kilo du poisson Mwanza oscille autour de 12 000 BIF.
Face à cette situation, les clients s’alarment et demandent la levée de ces mesures : « La ville de Bujumbura ne cultive pas et vit des récoltes de l’intérieur du pays et des produits venus de l’extérieur. Si cette chaîne d’approvisionnement est brisée, les prix continueront à flamber », s’indigne Ruth Nduwayo, citadine rencontrée au marché Cotebu.
À bas les mesures protectionnistes
« Les Burundais doivent commercer avec le monde, cesser le protectionnisme et s’ouvrir via le commerce transfrontalier pour créer la prospérité », conclue Janvier Cishahayo du CDE Great Lakes. Pour lui, les protocoles de la Zlecaf qui ont été signés pour faciliter la liberté de circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services comme prévu dans l’agenda d’intégration continentale et régionale africaine, risquent de ne pas se concrétiser si les mesures protectionnistes continuent d’être prises. Du coup, il faudrait voir si ces mesures facilitent ou handicapent le libre-échange au niveau interne ou entre le Burundi et le reste des pays de l’Afrique. Sinon, la volonté de dynamiser le secteur productif, d’accroître le potentiel d’exportation pour un Burundi émergent, ne sera qu’une utopie.