La violence à l’égard des femmes est une forme de discrimination, une violation des droits fondamentaux. Alors que l’inégalité d’accès à la terre est souvent une des causes de ses violences basées sur le genre, notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira propose l’intégration du genre dans le processus de certification foncière comme remède à ces violences faites aux femmes.
Muyinga, avec son air paisible, peut parfois cacher des drames. La triste histoire d’Espérance Ninteretse nous a laissés en émoi. Originaire de Muyinga, elle a survécu en mars 2023 à une attaque d’aiguilles de coutures qui lui ont été enfoncé dans l’abdomen et le thorax, perforant ses organes, échappant ainsi à peu à la mort suite aux litiges fonciers. Sept mois après, elle est toujours hospitalisée à Bujumbura, où la première Dame du Burundi vient de lui rendre visite pour payer les soins de son intervention chirurgicale, car elle n’avait pas les moyens.
Le cas d’Espérance est une goutte dans un océan d’eau. D’autres victimes, nombreuses, celles-là, pleurent et crient en silence. Selon la culture burundaise, les femmes sont tenues de garder le secret face aux conflits, les malentendus à caractère fonciers qu’elles subissent dans le foyer, mais qui peuvent déboucher à des violences meurtrières.
Or, selon le projet Why Women du CDE Great Lakes, la solution est simple. « Il faut promouvoir l’égalité de l’accès à la terre et faire la promotion des droits fonciers de la femme au cœur de la certification foncière pour faire face à ces violences basées sur le genre et liées à la terre », explique Pr Siméon Barumwete du CDE. En effet, « sans cette intégration du genre dans le processus de certification foncière, ces violences basées sur le genre, suite aux problèmes fonciers, vont continuer à ruiner la vie des milliers de femmes, les empêchant de réaliser leur potentiel, entravant la croissance économique des communautés, et affaiblissant la production économique des ménages », conclue Pr Barumwete.
Calamité financière
Face à ces violences liées à la terre et basées sur le genre, le pays paie le prix le plus fort. Selon une étude sur les fonds sur l’emploi du budget pour l’assistance judiciaire, psychologique et médicale des survivants de violences basées sur le genre, le coût de la prise en charge globale et holistique des victimes prévu par le portefeuille du gouvernement de 2019 à 2021 était de 1 860 000 000 BIF. Pour avoir une notion de ces dépenses, de 2017 à 2019, la prise en charge globale et holistique des victimes des VSBG a consommé une bagatelle de 1 285 800 000 BIF, de 2017 à 2019.
La productivité en pâtit
En revenant sur le cas de Mme Espérance, nous voyons que ses sept mois d’hospitalisations correspondent à sept mois de non-productivité. Tout cela dans un pays où selon une étude de la FAO, 97,4 % des femmes en âge d’activité travaillent dans le secteur agricole qui rapporte, en valeur ajoutée, plus de 50 % du PIB et 95 % de l’offre alimentaire. Et c’est sans parler de la perte de revenus des ménages qui, dans d’autres circonstances, auraient pu allouer ces ressources à des activités génératrices d’emploi, de revenus et d’investissement.La réalité est qu’il reste beaucoup à faire pour instaurer un environnement préservant les femmes de la violence liée à l’accès à la terre. Le fait de mentionner le nom du conjoint/de la conjointe sur le procès-verbal de reconnaissance et par conséquent sur le certificat, revêt une importance capitale dans la lutte contre ces violences foncières basées sur le genre, comme l’a attesté l’exemple de la commune Buhinyuza.