La nouvelle loi des finances, en son article 100, a introduit une nouvelle taxe de 1 % sur les revenus réalisés par les intermédiaires dans les opérations de transfert d’argent mobile. Alors que la Banque centrale fait la promotion du mobilemoney pour réduire la circulation informelle de l’argent, notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira montre comment cette taxe va être un bâton dans les roues du mobile banking.

Pour comprendre pourquoi la banque centrale mise sur le mobilemoney, revenons en peu en arrière. Le 7 juin 2023, la Banque de la République du Burundi a démonétisé les billets de 5 000 Fbu et de 10 000 Fbu datant du 4 juillet 2018, pour les remplacer par de nouvelles coupures de cette même valeur. Le Gouverneur de la Banque de la République justifiait cette démonétisation par le fait que 60 % des billets de 10 000 FBU et 5 000 FBU étaient hors circuit bancaire.

Pour la BRB, face à une population burundaise faiblement bancarisée (21,92 %), le mobile banking s’est révélé comme une panacée pour les transactions financières formelles. « Il est possible de transférer de l’argent du compte mobile au compte bancaire, et à une tierce personne, de payer sa course de taxi, d’acheter un article dans une boutique, de payer des taxes et impôts, des factures d’eau et d’électricité, etc. tout cela à partir de n’importe quel mobile, sans avoir besoin de compte bancaire », explique un agent de la BRB en charge de la promotion du mobile banking.

Sauf que, le 30 juillet 2023, deux mois après l’injection des nouveaux billets et la sensibilisation à utiliser le mobilemoney, la Banque Centrale a encore une fois alerté sur l’augmentation de la circulation informelle des nouveaux billets. Là, une question taraude. Pourquoi les Burundais n’adhèrent pas au mobile banking ?

Le bémol

Si la banque centrale encourage l’adoption du mobilemoney dans le règlement des différentes transactions monétaires, l’opinion publique quant ’à elle fait constant des coûts élevés des opérations électroniques de transfert d’argent avec la nouvelle taxe sur les opérations de transfert d’argent mobile. « Avec la nouvelle taxe, pour un transfert entre 10 000 à 19,999 Fbu par exemple, les frais s’élèvent à 1,030 Fbu, soit jusqu’à 10,3 % du montant transféré. C’est trop cher que je préfère utiliser le circuit informel », confie Jean Claude Uwimana, trouvé au marché central de Gitega. Même son de cloche pour Abdoul Sinarinzi, diaspora burundais en vacances : « Ailleurs dans d’autres pays, c’est même possible de payer par téléphone le prix réel de la marchandise sans frais supplémentaire ».

La réalité est là. Avec la nouvelle taxe, c’est la mort annoncée et assurée des transactions financières électronique au Burundi dont il s’agit. À titre d’illustration, selon GSMA (2019), la nouvelle taxe sur la mobile money en Ouganda a eu un effet négatif presque immédiat. La valeur des transactions P2P a diminué de 50 % dans les deux mois suivant sa mise en œuvre, tandis que la valeur de toutes les transactions a diminué d’environ 25 %.

La solutionLa réalité est que le résultat sera l’inverse de ce que la banque centrale imagine. Pour le CDE Great Lakes, si le pays veut réduire le problème de circulation financière informelle en faisant comprendre à la population ce besoin de promouvoir l’utilisation formelle de l’argent et la culture des transactions électroniques via le mobilemoney, les réformes doivent contribuer à réduire cette pression fiscale, car la hausse de la taxation affecte négativement le développement des services financiers digitaux. Par-là, l’option de supprimer cette taxe sur les opérations de transfert d’argent mobile est la solution la plus directe. C’est probablement l’option la plus facile à adopter, puisque les alternatives nuisent aux consommateurs ou aux compagnies qui font ce commerce électronique d’argent.