Au regard du budget de l’Etat du Burundi 2023-2024, l’explosion du budget à plus de 65 % par rapport au budget précédent fait que les impôts et taxes augmentent exponentiellement alors que les revenus des citoyens restent faibles. Pour notre collègue Francis Cubahiro, cette pression fiscale risque d’étouffer les investissements et l’entrepreneuriat dans l’œuf, et par-là, entraver la croissance économique.
Selon les chiffres, le budget national de l’Etat 2023-2024 affiche un déficit de 728,925 milliards BIF contre 197,418 milliards BIF pour le budget précédent. Un taux d’accroissement de 269,2 %. Pour couvrir ce déficit, la loi des finances prévoit deux modalités de financement : le financement extérieur à hauteur de 148,107 milliards BIF (20,31 % du déficit global), et le financement intérieur à hauteur de 580,818 milliards de Fbu (79,68 % du déficit global).
Le hic, pour arriver à ce financement intérieur, le budget de l’Etat est venu avec son lot de taxes. Trois nouvelles taxes dans le secteur bancaire y ont été introduits, à savoir les taxes sur l’activité financière, la contribution spéciale, l’imposition des intérêts sur les bons et obligations du trésor. Une taxe sur la fortune de 5 % a également été instaurée à partir de l’acquisition du troisième immeuble. Là, c’est sans oublier les cinq autres taxes dans le secteur de la télécommunication, dont la taxe spécifique sur la messagerie mobile, le prélèvement spécifique sur les frais de services financiers mobiles, la taxe spécifique sur les frais des services à valeur ajoutée et la taxe spécifique annuelle sur les terminaux mobiles. Et ce n’est pas tout. La taxe ad valorem sur les vins mousseux et les liqueurs passe désormais de 80 % à 100 %. La taxe spécifique sur les vins mousseux, les liqueurs, l’alcool et les autres boissons passe de 130 BIF à 500 BIF par litre. Une taxe spécifique de 5 % sera appliquée sur le coût du billet d’avion, et une taxe de 2 % sur les frais de transport du cargo.
Un frein à l’investissement privé
Sur les recettes totales du budget, les prévisions de produits fiscaux représentent 49,1 %, ceux non-fiscaux 10,7 %, les dons-projets 28,8 %, les produits exceptionnels à 7,1 %. Pour le CDE Great Lakes, le recours excessif aux financements intérieurs pour couvrir les déficits budgétaires risque de compromettre les efforts du secteur privé dans la mobilisation des ressources financières à son développement. « Le financement de l’investissement privé sera touché et ce dernier sera réduit au profit du secteur public », confie Dr Franck Arnaud Ndorukwigira, directeur du CDE Great Lakes, avant de renchérir que ce n’est pas rassurant que le pays continue de s’endetter alors que le niveau d’endettement intérieur est déjà élevé.
Un frein à l’entrepreneuriat
Pourrait-on demander à un sportif de haut niveau de ramener une médaille olympique en courant avec un sac à dos de 50 kg ? Non. Et pourtant, c’est ce que demande ce budget 2023-2024 aux entreprises burundaises qui n’en peuvent plus de voir leurs efforts se fracasser sur le mur de cette explosion fiscale. La survie de ces entreprises impose alors une remise à plat totale de cette pression fiscale. Ce n’est pas normal que l’État les ponctionne pour le financement interne de son budget, car l’évidence est que ces entreprises, petites et moyennes, qui souvent ne disposent pas de fonds propres, ne pourront donc pas investir dans les technologies d’avenir indispensables pour améliorer leur compétitivité, sauf à s’hyper-endetter, ce qui les fragilisera. Là, elles ne leur resteront que trois solutions : se développer à l’étranger, se faire racheter et pour une majorité déposer le bilan.
La solution est donc simple. Il faut réduire les dépenses courantes du gouvernement pour les orienter vers les secteurs qui promeuvent les investissements. Les entreprises doivent être déchargées de ces sacs à dos. Aucun développement n’est possible dans un pays si le secteur privé n’amène pas des idées innovantes et des capitaux pour créer des emplois.