Bien que les femmes représentent 80 % de la main d’œuvre agricole au Burundi, elles ont moins de chances de détenir un certificat foncier, incontournable pour atteindre leur droit de propriété. Pour décortiquer le bémol, notre collègue Janvier Cishahayo s’est rendu à Cibitoke, et a trouvé que les frais pour acquérir le certificat foncier sont exorbitants. Récit.
Commençons par jeter un coup d’œil aux chiffres. Selon les données, sur les 89 240 demandes de certificats fonciers qui avaient été reçues dans les services fonciers des quarante communes au 31 juillet 2015, 6 797 demandes, soit 7,6 % avaient été introduites par les femmes en leur nom. Selon ces mêmes données, parmi les 58 722 certificats fonciers qui ont été établis, 4 497 appartenaient aux femmes, soit 7,7 % seulement. De plus, 49 101 certificats fonciers ont été retirés, dont 3 688 certificats fonciers pour les femmes, soit 7,5 %.
Ces chiffres jouent cartes sur table qu’au Burundi, le pourcentage des femmes par rapport aux hommes ayant accès aux services fonciers communaux pour sécuriser leurs droits fonciers, sont très peu nombreuses. Une des hypothèses de cet échec flagrant du système de l’immatriculation foncier pour les femmes, est que l’enregistrement foncier exige des coûts élevés auxquels la plupart des Burundaises ne peuvent pas faire face.
Zoom sur Rugombo
Pour démontrer cette thèse, zoom sur la commune Rugombo de la Province Cibitoke, qui s’est doté depuis l’an 2020 d’un service foncier communal. Le certificat foncier est depuis octroyé dans cette commune, mais la population reste dubitative à l’idée d’entamer les procédures de demande, et plus particulièrement les femmes.
Pour acquérir un titre foncier dans cette commune, Mr Jean-Pierre Irambona, responsable du service foncier de la commune Rugombo, éclaire notre lanterne : « En premier, les demandeurs de certificat foncier doivent payer une somme équivalant à 1000 BIF sur le numéro de compte bancaire de la commune en guise des frais de dossier. Ensuite, le demandeur en droit d’acquisition du titre foncier doit s’adresser dans les bureaux du service foncier pour lui faire un décompte du montant à payer selon la superficie de la parcelle. Pour une propriété équivalant à 50m/50 (1are), une somme de 500 BIF, soit 50.000 BIF/ha doit être payé par le demandeur. Le certificat foncier sera octroyé après décaissement de la somme », explique Jean-Pierre Irambona.
Le hic, cette somme est une goutte dans un océan d’autres dépenses pour avoir ce titre de propriété foncière. « À côté des frais de dossier, j’ai payé aussi une prime pour les notables collinaires. J’ai déboursé 50.000 BIF en totalité pour cet organe arbitraire de la colline », confie Charlotte NIYONSABA, une femme agricultrice qui attend l’acquisition de son certificat foncier. Elle renchérit : « J’ai déboursé aussi 11.000 BIF pour le carburant des agents du service foncier lors de la visite de ma propriété. Ils l’ont mesuré, les notaires ont opposé leurs signatures, puis les propriétaires des parcelles voisines ont signé sur les documents du dossier », ajoute Mme Joséphine Niyonsaba.
Cette dernière se souvient que le service foncier lui a cité aussi la loi N°1/05 du 20 février 2020 fixant les tarifs des droits d’enregistrement en cas de création d’un titre foncier, de transformation du certificat foncier en titre foncier, où le prix à payer en cas de transformation du certificat foncier en titre foncier est de 40.000 BIF par page d’écriture. « Un montant excessivement élevé compte tenu du pouvoir d’achat de la femme burundaise », boucle Mme Niyonsaba.
Why Women ?
La Sécurisation des droits de propriété pour les femmes est corrélée à un meilleur résultat économique pour elles, et pour leurs familles. Par-là, les frais pour l’acquisition du certificat foncier devraient être réduits, voire supprimés pour ces demandeurs de certificats fonciers, qui sont majoritairement des femmes rurales, pour permettre l’accès au droit de propriété, qui est indispensable pour leur dignité, pour leur autonomisation, et pour leur liberté individuelle et financière.