Le ministre de l’Intérieur dans une conférence animé le 03 juillet 2023, soutient qu’aucun Burundais ne doit vendre sa propriété foncière à un étranger. Pour notre collègue Elvis Ndikumana, cette prise de position risque de nuire aux efforts d’attirer les investissements directs étrangers.
Dans son discours avec les élus de la commune Busiga à Ngozi, le ministre Ninteretse a mis en garde toute personne qui vend sa propriété foncière à un étranger. La grande préoccupation du ministre a été celle de savoir si en ouvrant l’actionnariat, les étrangers ne vont pas envahir nos terres. Or, avec cette restriction, les porteurs de capitaux qui veulent acquérir des propriétés pour se lancer dans la promotion de l’agriculture moderne, dans la construction des entreprises ou dans l’immobilier, ne pourront plus le faire, risquant de décourager davantage les entreprises étrangères d’investir au Burundi.
En effet, sans la protection des droits de propriété, le risque réel est que l’investissement des entreprises étrangères risque d’être perdu si son patrimoine foncier n’est pas protégé. Si les droits de propriété foncière sont protégés, cela signifie que les investisseurs étrangers peuvent se projeter à long terme en construisant des entreprises, où en s’investissant dans l’agriculture.
Une fausse bonne idée
Le Burundi est membre de différentes organisations, dont l’EAC, le CEMAC, le COMESA, … qui promeuvent la libre circulation des biens et des personnes. En ratifiant ces accords de coopération, le pays a accepté l’épanouissement et la libre circulation des résidents de tous les pays membres. Du coup, le pays devrait évaluer, puis statuer si certaines mesures ne compromettent pas les accords signés en enfreignant certaines libertés.
Qu’en est-il des Burundais qui ont des propriétés ou qui projettent d’acquérir des propriétés foncières à l’étranger ? Une politique de l’employabilité des Burundais à l’étranger a été instituée depuis un moment. L’appel des autorités à la population de partir négocier des contrats à l’étranger avec l’annonce du ministre de l’Intérieur risque d’être compromise si une fois ces pays instituent à leur tour des mesures de réciprocité, pour enfreindre à leur tour les droits des Burundais dans ces pays.
Quid de la loi ?
Le code des personnes et de la famille dans son article 1 du titre ‘’des étrangers’’, protège les biens acquis des étrangers se trouvant sur le territoire burundais. « L’étranger qui se retrouve régulièrement sur le territoire du Burundi y jouit de la plénitude des droits civils. Il est protégé dans sa personne et dans ses biens au même titre que les barundi ».
Le Professeur Emery Niyukuri, professeur en droit foncier à l’Université du Burundi, affirme que le code foncier du Burundi ne reconnaît pas exclusivement le droit à la propriété aux Burundais. « Sous réserve de réciprocité, les étrangers jouissent des mêmes droits et protection que les nationaux. A supposer que le Kenya reconnaît aux Burundais la propriété. Le Burundi est obligé de faire de même en vertu de ce principe ». Selon ce juriste, les étrangers peuvent avoir des cessions et des concessions des terres domaniales. L’Etat peut donner des propriétés aux étrangers pour l’usage industriel, commercial et culturel. L’Etat peut les faire louer, mais la pleine propriété est réservée aux Burundais.
Dr Aimé-Parfait Niyonkuru, spécialiste du droit international, rappelle que le droit de propriété est un droit civil fondamental, d’où toute limitation du droit fondamental devrait être abolie.
Il est clair que les étrangers peuvent avoir des cessions et des concessions sur des terres domaniales au Burundi. Du coup, toute politique tendant à compromettre les avancées déjà engrangées dans la quête de la libéralisation économique devrait être réorienté, pour continuer à savourer les fruits de cette liberté économique.