Au Burundi, la réalité fait que les entreprises ont droit à l’embauche, mais pas au licenciement. Et pour se protéger, ces entreprises utilisent des travailleurs de façon informelle pour contourner les règles, en vue de faciliter les licenciements. Alors, faciliter le licenciement, un pari impossible ? Coup de projecteur avec notre collègue Janvier Cishahayo.

Une partie essentielle du projet Together du Think Tank CDE Great lakes sur la libéralisation du marché de l’emploi au Burundi, porte sur les mesures de facilitation des licenciements. Les contestataires arguent qu’il est paradoxal de vouloir lutter contre le chômage en rendant les licenciements plus faciles, tout en soulignant la crainte fondée des recours judiciaires suite aux restrictions législatives en matière de licenciement qui règnent dans le code du travail.

Dès lors, en surprotégeant le marché du travail par une loi trop rigide, le législateur enfreint sans s’en rendre compte le marché du travail qui devrait être régi par la loi de l’offre et de la demande dans un secteur privé embryonnaire, proposant peu ou pas d’emplois. L’employeur se retrouve alors coincé par cette réglementation moins flexible, qui à son tour met la pression au travailleur délaissé.

Pris dans l’étau malgré eux

Ce qui ne manque pas au Burundi, ce sont les appels d’offres d’emploi de la part des entreprises. Souvent, l’embauche se déroule en toute transparence, mais aboutit peu souvent à un contrat de travail. « Après mon embauche, au lieu de signer un contrat du travail, j’ai été admis dans l’entreprise comme stagiaire professionnel. L’entreprise en agissant ainsi, veut juste échapper aux pénalités du Code du travail au cas où il me licencierait pour manque de compétences », explique Jean Noel, ex-employé informel dans une entreprise de construction à Bujumbura.

Selon un cadre du ministère de l’emploi sous anonymat, faciliter les emplois dans les entreprises n’est pas nécessaire au Burundi, car le taux de recours contre les licenciements économiques est très faible. Une appréciation des faits biaisée. « Le nombre de licenciements économiques n’est en effet pas significatif parce que leur difficulté est telle que les entreprises, surtout les petites et moyennes entreprises n’y recourent pas, préférant soit embaucher en contrat à durée déterminée, soit embaucher de façon informelle pour licencier sans pénalités », explique Dr Franck Arnaud Ndorukwigira, directeur de recherche au CDE Great Lakes.

Bannissons l’informalité

On ne cesse de le répéter, l’une des causes de l’emploi informel au Burundi est l’entrave au licenciement, qui n’est pas facilité par le code du travail. Les économistes savent qu’en permanence le marché du travail non seulement détruit des emplois, mais en crée simultanément. Ce processus est un élément-clef de la destruction créatrice, ce processus qui par l’innovation a permis aux pays développés d’emprunter le chemin de la prospérité. Bloquer ce flux permanent en multipliant les obstacles au licenciement a donc un impact désastreux sur les gains de productivité. 

Il est de surcroît urgent que la lutte contre l’informalité dans les entreprises formelles soit une urgence, pour se prémunir des conséquences négatives potentielles qu’elle entraînerait sur l’économie globale et sur la vie des travailleurs. Une politique nationale de l’emploi plus flexible pour les travailleurs que pour les entreprises reste la clé pour une libéralisation du marché de l’emploi.