« Il est désormais interdit de commercialiser de la bière dans des boutiques et kiosques en commune Ntahangwa ». Telle est la mesure prise par l’administrateur de la commune Ntahangwa. Pour notre collègue Janvier Cishahayo, cette mesure protectionniste est une fausse bonne idée. Coup de projecteur.
Nous sommes jeudi le 01 juin 2023 en commune Ntahangwa. Les autorités communales viennent de convoquer d’urgence une réunion avec les boutiquiers et détenteurs de kiosques. L’objectif est de leur annoncer la nouvelle mesure : « Il est désormais interdit de commercialiser de la bière dans des boutiques et kiosques en commune Ntahangwa ».
Pour l’administrateur Ernest Niyonzima, « la consommation de la bière dans les boutiques est souvent à l’origine de l’insalubrité dans les quartiers, car ce commerce ne disposant pas de sanitaires, les clients urinent dans des caniveaux ou sur les clôtures des voisins, ce qui peut provoquer ou accentuer de nombreuses pathologies ».
Il y avait une semaine, le chef de zone Gihosha dans la même commune avait pris la même décision, pour soi-disant lutter contre la spéculation sur la bière. « Les tenanciers des dépôts qui seront attrapés en approvisionnant les boutiques ou kiosques, seront punis et rayés de la liste des distributeurs agréés des boissons de la Brarudi », lance-t-il.
Une mesure qui interroge
La mesure est premièrement contraire à la loi régissant le code du commerce. En effet, ce dernier dans l’article 3 garantit la liberté du commerce au Burundi, qui comporte la liberté d’entreprendre (c’est-à-dire le droit pour toute personne physique ou morale de se livrer à l’activité commerciale) ; la liberté d’exploiter (c’est-à-dire le droit pour tout commerçant de conduire ses affaires comme il l’entend en se conformant à la loi) ; et le droit d’utiliser tous les moyens loyaux pour attirer la clientèle.
Et pour les petits entrepreneurs, la vente des produits alcoolisés de la Brarudi représente une marge bénéficiaire de taille chez les boutiquiers. Anatole NSHIMIRIMANA, détenteur d’un kiosque tout près de la zone Gihosha, indique que « la faible marge bénéficiaire enregistrée quotidiennement dans mon petit commerce provenait de la vente des boissons de la Brarudi ». Pour lui, ne sachant pas à quel saint se vouer, demande l’annulation de cette mesure qui vient étouffer son petit commerce.
Avant l’instauration de la mesure, les boutiquiers s’approvisionnaient directement chez les grossistes «Méga SSD ». « Interdire la vente de boissons alcoolisées aux boutiquiers revient à limiter aussi l’activité des SSD, mais aussi à limiter les taxes et impôts collectés au niveau du trésor public », renchérit Juvénal du méga SSD Gihosha.
Rompre avec le protectionnisme
Le non-respect des préalables institutionnels nécessaires à la libéralisation économique est un défi que le Pr. El MOUSSAOUI Hicham a souligné dans son exposé lors de l’Economic Summit 2O22. Cet imminent économiste proposait d’instituer des mécanismes de bonne gouvernance via une administration impartiale qui fait régner la transparence et l’égalité des chances.
Au lieu d’imposer les sanctions et faire régner un climat de peur, il faudrait instituer des mesures poussant à l’ouverture, en vue de la disponibilité de la bière sur le marché. Eh oui, le marché concurrentiel devrait régir l’activité commerciale dans une économie libre.
En plus, ne devrait-il pas laisser la liberté des gens qui préféraient s’approvisionner directement au niveau des boutiques ? Par cette mesure, c’est aussi la liberté du choix individuel qui est entravée par l’interventionnisme de l’administration, ce qui n’augure rien de bon pour le libre-marché.
Ce qui est sûr, il faudrait arrêter de créer des monopoles au niveau de la commercialisation des bières sous prétexte à vouloir surprotéger le consommateur, par des réglementations beaucoup plus rigide.