Afin de remédier à l’insuffisance des réserves de change, et à l’importante prime de marché parallèle de changes, la banque centrale de la République du Burundi (BRB) vient d’initier une série de mesures libéralisant le marché monétaire. Pour notre collègue Janvier CISHAHAYO, la mesure est à saluer moyennant quelques défis à relever.

En se demandant s’il faut saluer les nouvelles orientations pour la politique monétaire, il faut analyser l’expérience du passé, les erreurs ou les succès. En 2016, le marché monétaire est soumis à une forte réglementation, supervision et contrôle. La banque centrale a commencé à interdire aux banques commerciales de domicilier les comptes en devises des représentations diplomatiques et des organisations internationales. Le droit de cessions de devises leur fut enlevé. En février 2020, les bureaux de change privés sont contraints à la fermeture. Des restrictions sur les transferts instantanés internationaux via les plateformes dédiées furent imposées. Les marges multiples applicables sur les opérations de change des banques commerciales furent aussi supprimées.

Face à ces mesures protectionnistes, les conséquences n’ont pas tardé. Fin 2022, il y avait une pénurie des devises à tel point que les réserves en devises ne pouvaient couvrir que 1.5 mois d’importation. Fin avril 2023, le dollar américain au marché parallèle s’échangeait au montant record de 5000 BIF alors qu’il s’échangeait à 1565 BIF en 2013.

La libéralisation comme solution

Face aux conséquences, les experts de la société civile dont le think tank CDE, crient haut et fort à la libéralisation du marché monétaire. Ainsi, depuis le 3 avril 2023, la BRB ré-autorise les banques commerciales à pouvoir détenir les comptes en devises des missions diplomatiques, consulaires et organismes internationaux. Elle acte ensuite sur la réorganisation du Marché Interbancaire de Devises (MID) dans le cadre de renforcer la transparence dans la gestion des devises, et permettre aux banques commerciales d’échanger leurs liquidités en devises à un taux librement négocié.

Puis, le 12 mai 2023, les subventions aux entreprises publiques sont supprimées. Tous les opérateurs économiques ne vont plus s’approvisionner en devises à la BRB, mais à travers leurs banques commerciales et aux bureaux de change. Ainsi, les fruits de ces mesures n’ont pas tardé. Le cours du franc burundais qui était devenu volatile, se stabilise autour de 2800 BIF le dollar, au marché officiel.

Le hic

Pour rendre effective cette libéralisation, il y a encore des défis à relever. Primo, la BRB doit cesser d’exiger les documents justifiant le motif de change. Secundo, le montant alloué à chaque transaction pour un montant plafond de 5000 USD/personne est à supprimer, car contraint les professionnels de change à limiter le volume de l’offre sur le marché. Tertio, en vue de permettre plus de compétitivité sur le marché des devises, la BRB devrait aussi enlever l’exigence des documents administratifs qui bloquent l’activité des bureaux de change. Quarto, l’arrestation de 18 cambistes le 02 mai 2023 sur le marché de change ne sonne pas de bonne oreille pour l’économie monétaire, car cette action est de nature à créer une prime de risque sous forme de corruption qui pourrait faire exploser le taux parallèle via l’achat des policiers.

Moyennant ces défis, cette libéralisation du marché monétaire est à saluer, car il permettra plus de transparence et d’équité dans la gestion des devises par les banques commerciales et les bureaux de change privés à travers le marché interbancaire de devises, où seules la demande et l’offre déterminent le prix.