Au Burundi, les agences privées de recrutement et de placement des travailleurs dans les entreprises commencent à voir le jour. Pour notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira, ces agences jouent un rôle important dans le bon fonctionnement du marché du travail en créant des emplois qui autrement n’existeraient pas, en améliorant le taux d’activité des entreprises et travailleurs, en servant de tremplin pour accéder à un emploi décent et en réduisant le travail informel.

Le besoin de flexibilité exprimé par les entreprises, le manque d’emploi formel et l’absence de compétences chez les nouveaux travailleurs ont favorisé le développement de l’industrie des agences de recrutement et de placement au Burundi. Ces agences d’emploi sont des intermédiaires entre les entreprises utilisatrices, qui ont besoin d’une main-d’œuvre flexible, et des travailleurs à la recherche d’un emploi. « Celles-ci facilitent l’arrimage entre les chercheurs d’emploi et les postes offerts par les entreprises, entre autres par le recrutement ou l’offre d’une main-d’œuvre d’appoint ou temporaire », confie Kagurube André, directeur d’une micro-finance à Makamba.

Ces agences de recrutement et de placement s’entretiennent avec les demandeurs d’emploi, et essaient de rapprocher leurs qualifications et leurs compétences de celles qui sont requises par les entrepreneurs pour tel ou tel poste à pourvoir, facilitant ainsi l’embauche. Selon Irvine Floréale Murame, présidente d’Infinity Group, une agence de recrutement et placement des ressources humaines, « nous avons acquis le statut de courtière en flexibilité, tant au niveau microéconomique via la satisfaction des besoins et préférences des entreprises, que macroéconomique via la gestion de l’incertitude et des risques économiques sur les marchés du travail ».

Une relation triangulaire

Selon Irvine Floréale Murame, la situation des trois parties « Agence d’emploi – travailleurs – entreprise utilisatrice » est interdépendantes. « Tout changement dans la situation de l’une peut avoir des effets sur celle d’une ou des deux autres. Cela peut constituer un cercle vertueux en période d’essor économique et un cercle vicieux lors de récessions », confie Murame, avant de renchérir qu’en période de ralentissement économique, l’importance de cette relation s’amenuise, comme ça été le cas en 2020 avec l’épidémie de Covid-19. « Les travailleurs intérimaires ont été les premiers à devoir quitter les entreprises utilisatrices quand les temps ont été difficiles, alors qu’ils ont aussi été les premiers à être réembauchés lorsque l’économie a commencé à se rétablir », renchérit-elle.

Un verre à moitié plein ou à moitié vide ?

Le hic, les opinions sur la nature de ces agences au Burundi, diffèrent. Pour les uns, elles constituent un tremplin utile vers un emploi décent régulier, et permettent aux entreprises de faire face avec souplesse aux fluctuations de la demande. Pour les autres, les travailleurs intérimaires ne peuvent jouir pleinement de leurs droits, et sont considérés comme des travailleurs de seconde zone.

Face à ces divergences, la réalité est que le travail intérimaire répond non seulement aux besoins de flexibilité des entreprises, contribue à la création d’emplois, ainsi qu’à la participation et à l’insertion des chômeurs sur le marché du travail. C’est sans oublier qu’il aide en principe les travailleurs à développer leurs compétences et leur expérience professionnelle, leur offrant ainsi un tremplin vers des emplois plus sûrs et permanents.

Tremplin vers l’emploi décent

« La probabilité d’obtenir un emploi permanent, est plus grande après avoir occupé un poste temporaire pendant un certain temps, qu’après avoir été au chômage durant la même période », confie Yvette Iradukunda, qui vient de décrocher un emploi permanent dans l’entreprise où elle avait été placée par une agence d’emploi privée.

En effet, il est difficile pour une entreprise d’évaluer la productivité potentielle d’un travailleur qui vient directement postuler à un emploi. Cette difficulté de valider l’information augmente donc les risques pour une entreprise de l’embaucher avec un contrat permanent à long terme. Mais, en ayant recours aux agences de placement, les travailleurs acquièrent l’opportunité de se faire valoir, et de fournir aux entreprises l’information dont ils ont besoin, sans que ces derniers n’encourent dès le début les risques d’offrir un contrat permanent.

Face à cette réalité, sont les chômeurs qui ont une position relativement faible sur le marché de l’emploi qui profitent le plus des bienfaits associés à l’emploi temporaire facilité par les agences de placement. Pour cela, des politiques qui visent à faciliter l’accès à l’emploi temporaire pour ces personnes, par exemple en les aidant à s’enregistrer auprès des agences de placement, pourraient être mises en place pour réduire leur taux de chômage et favoriser leur intégration à un emploi décent et formel.