Un marché de l’emploi flexible facilite l’entrepreneuriat et attire des investissements. C’est aussi un meilleur gage de conditions avantageuses pour les entreprises et pour les travailleurs, qu’une tonne de lois et de règlements qui rendent le marché de l’emploi trop rigide. Pour notre collègue Francis Cubahiro, il faut libéraliser le marché́ de l’emploi pour lutter contre la précarité́ et l’informel.

La réalité est là, le secteur de l’emploi au Burundi est caractérisé par un marché de travail dominé par l’emploi informel, et un sous-emploi prépondérant, avec la persistance de la pauvreté, des inégalités socio-économiques et le faible développement du secteur privé. 53,4 % de Burundais déclarées actives occupées enquêtées par l’Institut des Statistiques et des Études Économiques du Burundi sont en réalité touchés par le sous-emploi, travaillant en moyenne moins de 40 heures par semaine. Le taux de chômage au niveau national quant ’à lui était de 1,1 % en 2020.

La politique de l’emploi actuelle montre un défi structurel, et une protection importante pour les contrats à durée indéterminée, rendant difficiles les licenciements tout en freinant l’embauche. Plusieurs travailleurs burundais ont donc de la difficulté à trouver un emploi formel. Pourtant, plusieurs entreprises formelles, créatrices d’emplois, augmentent en nombre. Cette situation en apparence contradictoire découle de la difficulté d’atteindre une parfaite adéquation entre les chercheurs d’emploi et les emplois disponibles.

Absence de flexibilité

La flexibilité du marché de l’emploi est tellement faible, voire absente. Du côté de l’offre d’emploi, où est la flexibilité quand il est quasi-impossible de licencier, ou que cela prend un temps considérable ? Si, dans une situation économique incertaine, les entreprises ont la quasi-certitude de ne pas pouvoir licencier, ces entreprises renoncent à embaucher. La difficulté de mettre à pied des travailleurs en temps de récession réduit directement l’attrait aux entreprises d’embaucher en période de prospérité.

Du côté de la demande d’emplois, où est la flexibilité quand chacun cherche à être protégé par un statut qui bloque toutes les évolutions ? Où est la flexibilité quand les contrats de travail sont orientés systématiquement vers les formes les plus rigides, telles que les contrats à durées indéterminées ? Or, face à cette situation, plusieurs études ont démontré les effets négatifs d’un marché du travail rigide et fortement réglementé, entre autres une plus faible création d’emplois, et des taux de chômage plus élevés.

Le marché de l’emploi est un marché comme tant d’autres

Le marché de l’emploi est un marché. Sur un marché, il y a un prix, une offre et une demande. Le prix de l’emploi, c’est le salaire. Un point difficile à admettre pour beaucoup de Burundais, à qui l’on a appris que le salaire était le fruit de décisions politiques. Au Burundi, ce prix est tout sauf flexible. Il est rigide à la baisse, puisque l’Etat est en train de fixe arbitrairement un salaire minimum via la politique salariale en cours.

Or, le principe d‘un marché est simple : quand l’offre est supérieure à la demande, le prix baisse. Ce qui se traduit sur le marché du travail que quand il y a du chômage, le salaire doit baisser pour encourager les entreprises à embaucher. Avec un prix rigide, donc un faux prix, l’ajustement ne se fait plus, alors qu’en période de crise, la baisse du salaire permettrait de faciliter les embauches. Quand un prix est rigide, l’ajustement ne se fait plus par le prix, mais par les quantités : ici, cela s’appelle le chômage.

La nécessité de libéraliser le marché de l’emploi

« Plus le marché du travail est rigide, plus il devient segmenté », explique Dr Salomon Nsabimana auteur d’un policy brief sur la problématique de l’emploi au Burundi. En d’autres termes, moins un employeur a la possibilité de licencier aisément, plus il sera prudent dans ses embauches, au détriment des nouveaux entrants et des profils atypiques.

Face à l’urgence de la situation du chômage au Burundi, le marché de l’emploi ne devrait pas être soutenu par l’État, ou régi par une tonne de loi qui l’opprime, mais purement et simplement libéralisé, de sorte qu’embaucher un travailleur ne soit plus un risque pour les entreprises, mais uniquement un investissement dont il est possible de se défaire sans passer par milles et une contrainte.

Cette libéralisation du marché du travail permettra que l’emploi décent et formel se développe plus rapidement au Burundi, car les chefs d’entreprise évolueront dans un cadre réglementaire et législatif plus certain, prévisible et flexible, qui leur apportera une confiance suffisante pour embaucher sans craindre de ne pouvoir licencier leur salarié en cas de difficultés économiques, encourageant ainsi la création d’emplois et réduisant le nombre de chômeurs.