C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle. Des entreprises formelles sont créées chaque jour, mais les emplois projetés ne sont jamais atteints. Voulant savoir pourquoi, notre collègue Francis Cubahiro a trouvé que plusieurs entreprises formelles préfèrent donner de l’emploi de façon informelle. Une situation sans conséquences.

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le terme « emploi informel » fait référence aux arrangements dans lesquels les travailleurs ne sont pas protégés par le droit du travail. Or, l’accès à l’emploi formel est un droit pour tout travailleur. Ce droit devrait se traduire, pour le travailleur, par une optimisation de ses atouts dans les négociations d’emploi, dans l’organisation de priorités professionnelles qu’il a fixées, dans la compréhension de sa situation au regard de la problématique de son emploi, sa carrière et leur évolution au sein de l’entreprise.

Or, au Burundi, ce droit n’est pas toujours respecté. Au sein de certaines entreprises formelles, les emplois formels et informels se côtoient. Certaines entreprises utilisent des stages professionnels pour engager plus d’employés informels et peu d’employés formels. Ces entreprises sont obligées de renvoyer ces stagiaires tous les six mois, pour écarter toute possibilité d’engagement tacite. Dans d’autres entreprises, les frais de transport sont payés en main propre, par transfert mobile ou par une personne tierce et jamais via une banque, pour éviter que l’employé informel constitue une preuve de paiement régulier pour les prestations effectuées dans l’entreprise, afin d’utiliser la preuve pour revendiquer devant les tribunaux d’être restitué de façon formelle dans l’entreprise.

Une pratique spéculative

Dans un pays où le chômage bat son plein, le chômage des jeunes fait le bonheur des entreprises. « Le contrat de travail impose des exigences en termes d’impôts sur les revenus, ainsi que le paiement de cotisations à la sécurité sociale. Face à ces exigences coûteuses, alors que l’entreprise cherche à faire des bénéfices en flèche, et que ce qui manque n’est pas la main d’œuvre qui ne rêve que d’un boulot sans se soucier d’être employé formel ou informel, nous préférons contourner la règle en embauchant plus d’employés informels que formels », explique Nzihoruri André, entrepreneur formel d’une menuiserie à Gitega.

Selon cet entrepreneur, en embauchant des travailleurs informels, employeurs et employés évitent certains coûts et gagnent en flexibilité tout en échappant à la réglementation du travail. En plus, engager des travailleurs informels permets à ces entreprises formelles une réduction des coûts. « L’informalité dans l’entreprise formelle fait gagner les entreprises à produire à moindre coût, et à pouvoir faire concurrence avec les grandes entreprises », explique l’entrepreneur.

Une situation sans conséquences

Souvent, les conséquences ne tardent pas à se voir. « Ces travailleurs sont tellement instables, que les entreprises ne gagnent pas en production par manque d’expérience des employés. Cela fait que ces entreprises ont tendance à être de petite taille et peu productives, et ne contribuent pas à l’assiette fiscale, enregistrant une croissance inférieure à leur potentiel », explique Onesime Niyukuri, un cadre du ministère du commerce et de l’industrie.

Ce cadre du ministère du commerce renchérit que ces entreprises n’améliorent pas la vie des ménages de leurs employés. « Comme les travailleurs non déclarés sont dépourvus de contrats officiels et de protection sociale et sont généralement moins instruits, ils risquent davantage d’être pauvres et de ne pas bénéficier de conditions de travail satisfaisantes par rapport aux travailleurs du secteur formel », renchérit Mr Onésime.

La lutte contre l’informalité dans les entreprises formelles est une question urgente, en raison de ses conséquences négatives potentielles sur la croissance globale et la volatilité de la production, l’inégalité des salaires, et les futures opportunités d’emploi. Mais, comment s’en sortir ? Mieux vaut commencer à y réfléchir très tôt à l’instar du projet « Together » du CDE Great Lakes.