Selon le code du travail en vigueur au Burundi, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement en raison de son sexe ou sa situation de famille. Mais plus le code du travail est bétonné pour défavoriser le licenciement des femmes, plus le recrutement formel de ces femmes effraie plus de recruteurs et entrave l’embauche de ces derniers. Le point avec notre collègue Francis Cubahiro.

« Votre travail demande de la disponibilité. Si vous tombez enceinte, votre contrat sera suspendu » ! Voilà le détail qu’a gardé en tête Nadine, fraîchement mariée, lorsqu’elle venait de signer son contrat dans une entreprise privée de marketing.

Une année après, sans le vouloir, Nadine tombe enceinte, et est obligé de prendre le congé de maternité de 14 semaines. « J’ai été poussée à la porte de l’entreprise à mon retour de congé. Comme j’avais signé un contrat à durée déterminée, mon remplaçant avait été excellent et c’est lui qui a eu le contrat à durée indéterminée. Et curieusement, c’était un homme », confie-t-elle, avant de renchérir que si elle avait su, elle aurait discuté avec son employeur pour prendre les six semaines obligatoires après l’accouchement, au lieu des 14 semaines de congé prévu par la loi.

Après son licenciement, elle a fait un recours aux tribunaux pour licenciement abusif. Malheureusement, le procès pour licenciement abusif est un long processus au Burundi, et chaque jour je voyais que je n’avais plus les chances d’en sortir gagnante. 

J’ai alors décidé de continuer à chercher du travail, mais en vain. « Je me souviens de cet entretien d’embauche qui se passait très bien. Soudain, celui qui m’interrogeait m’a demandé le nombre d’enfants que j’avais. J’ai répondu que je n’avais qu’un seul. En ce moment-là, il s’est immédiatement tu, tout en faisait un rapide calcul dans sa tête. Ils ne m’ont jamais rappelée, et j’ai su qu’ils ont refusé de me donner le poste parce qu’étant une jeune mère, j’allais m’empresser à  faire un deuxième enfant et de leur côté, ils n’étaient pas prêts à prendre en charge ce genre de frais que le code du travail nous accorde ».

La réalité

Le cas de Nadine fait cas de figure de ce que vivent plusieurs femmes burundaises. D’après l’ex-patron de Nadine, sous couvert d’anonymat, engager une femme aussi qualifiée soit-elle n’est pas un bon investissement. Il s’explique : « Au début de l’exercice de mon entreprise, j’avais parié sur la parité. Au bout d’une année, la moitié des femmes à qui j’avais fait des contrats à durée indéterminée étaient soit enceintes ou soit en congé maternité. L’entreprise venait à peine de démarrer et je ne pouvais pas les licencier, car le code du travail ne me le permettait pas. Ce n’était pas le bon moment pour une entreprise naissante, et cela a désorganisé mon entreprise parce qu’il fallait, non seulement chercher des remplaçants et les payer, mais aussi, continuer à rémunérer toutes ces femmes en congé. Cela a fini par me ruiner. Un processus qui recommencera tous les deux ans, car les femmes burundaises font beaucoup d’enfants ». Pour l’instant, ce patron avoue qu’il hésite à engager des femmes, et ne croit plus qu’il recommencera à les faire signer des contrats à durée indéterminée.

À l’origine, le code du travail

Dans les réunions d’embauches au Burundi, surtout dans le secteur privé, ils sont de plus en plus d’employeurs qui brandissent « Surtout pas de femmes », à cause des absences justifiées liées aux grossesses, aux accouchements et à la période d’allaitement, tel qu’ il est stipulé dans l’article 109 et 111 du code du travail en vigueur.

Si sur ce plan juridique, la femme est favorisée à l’embauche et au travail dans la dignité, mais l’entreprise qui l’a embauché n’est pas facilité dans son licenciement. Dans l’article 110, la femme enceinte est trop protégée parce que l’employeur ne peut pas rompre son contrat de travail. Il ne peut non plus résilier le contrat de travail avant ou après la période de suspension sous prétexte de la grossesse ou de l’accouchement. En cas de licenciement pour absence de travail à cause d’une grossesse ou un accouchement, l’article 156 du code du travail juge ce licenciement abusif, et est sanctionné par des dommages-intérêts dans l’article 157.

Ainsi, avec cette politique de l’emploi béton au licenciement, les entreprises ont du mal à les embaucher, car ils auront du mal à les licencier. Donc, introduire plus de flexibilité pour les salariés, comme pour les entreprises, devrait être l’un des objectifs de la réforme de la politique nationale de l’emploi, vu que l’emploi est un élément essentiel des stratégies de promotion de l’autonomisation des femmes et de lutte contre la pauvreté.