Fin 2022, la Banque mondiale en partenariat avec le Gouvernement du Burundi ont initié l’ « Umuzinga day », la première édition du forum national sur le secteur privé, en vue de booster l’industrialisation du Burundi. Pour notre collègue, l’économiste Kelvin Ndihokubwayo, trois choses devraient être faites pour que la Banque mondiale aide à mieux booster l’industrialisation au Burundi.
Un petit rappel. En 2018, le président de la Banque mondiale a reconnu que son organisation avait conseillé à tort les gouvernements africains, au fil des ans, sur la voie idéale vers l’industrialisation. Il a noté que mettre l’accent sur les infrastructures matérielles soutenues par des prêts, n’a pas aidé l’Afrique à s’industrialiser. Malheureusement, à voir les discussions du président du Burundi avec le chef de la Banque mondiale lors du sommet Afrique-USA, le Burundi veut continuer sur cette voie qui ne semble pas fonctionner.
Oui, la Banque mondiale est parmi les acteurs pour cette promotion du secteur privé dans l’industrialisation du Burundi, en coopération avec le Gouvernement. Mais, puisque la Banque mondiale a enfin réalisé à quel point certaines de ses politiques pouvaient être imparfaites et les conséquences possibles sur le développement économique, il est plus ce que nécessaire de ne plus commettre les faux pas que ceux commis lors des années antérieures. Alors que faire ?
Interagir avec les personnes dans le besoin, plutôt qu’avec le gouvernement
La réalité est là. Les prêts de la banque mondiale ne font qu’enrichir les politiciens via les corruptions et la mauvaise gestion des choses publiques. Or, malgré le mauvais classement du Burundi sur les indices économiques et commerciaux, la principale raison pour laquelle les Burundais continuent de survivre sans aide équitable du Gouvernement, réside dans la force du secteur informel où 8 burundais sur 10 travaillent. D’après l’Agence Burundais de Développement, deux des principaux défis de l’industrialisation du Burundi, à savoir l’emploi des jeunes et l’autonomisation des femmes, ont trouvé refuge dans le secteur informel, qui représente 77 % du PIB . Ce sont les femmes qui occupent les marchés locaux qui poussent dans toutes les villes et villages avec leurs échoppes, avec leurs petits capitaux et leurs petits commerces ambulants et transfrontaliers, tandis que les jeunes sont pour la plupart des apprentis ou des propriétaires de petites et moyennes entreprises.
Les banques commerciales locales en offrant des taux d’intérêt élevés que la plupart des entreprises individuelles ne peuvent se permettre, la Banque mondiale pourrait combler assez bien ce vide du prêt, en servant d’alternative de financement du secteur informel. Pour y arriver, la Banque mondiale devrait changer sa stratégie d’aide, en promouvant plus d’interaction avec les personnes dans le besoin en les fournissant des prêts à des conditions libérales accessibles, plutôt qu’avec le Gouvernement. Par-là, le pays verra le secteur privé développé, et ce, pour un développement inclusif et une industrialisation prospère.
Inviter le gouvernement à réduire les réglementations
Les réglementations excessives sont les ennemies de tout effort visant le développement du secteur privé. L’idée que les grandes entreprises devraient être soumises à des contrôles étatiques stricts pour garantir l’équité commerciale, est vague. Plus les gouvernements ont tendance à confronter les entreprises à de multiples réglementations comme la fixation des prix de leurs produits, les réglementations dans la libre-circulation de leurs produits, et d’autres taxes et impôts exorbitants, font qu’elles deviennent moins innovantes et moins productives. Même les petites entreprises sont également victimes puisque ces réglementations affectent leurs capacités de croissance. La Banque mondiale, en tant que créancier clé du gouvernement, peut contribuer à changer cette tendance.
Exiger la redevabilité du gouvernement devant le peuple
La Banque mondiale ne devrait pas se concentrer exclusivement sur l’octroi de prêts sans obliger le Gouvernement à respecter les libertés individuelles. En effet, la Banque mondiale accorde des prêts aux gouvernements tant qu’ils en ont besoin, sans tenir compte de leur bilan en matière de tolérance ou de droits de l’homme. Or, il ne peut y avoir d’effort soutenu vers l’industrialisation si les sous-structures sociales et politiques sont tyranniques ou corruptibles. L’économie moderne est plus que jamais liée à la politique et à la justice, bien plus que ne le prétendait Adam Smith.
La Banque mondiale dans ces réformes devrait exiger que les dirigeants burundais soient plus transparents et juridiquement responsables envers leur peuple. Ils doivent savoir que, quelle que soit la perfection d’un plan économique, si l’État de droit n’est pas respecté, les progrès économiques seront toujours retardés et l’industrialisation tant recherchée sera une utopie.