Du 14 au 19 novembre 2022, le Burundi est en train de célébrer la 5ème édition de la semaine mondiale de l’entrepreneuriat. Alors que l’accès classique aux financements fait entrave à l’entrepreneuriat des Burundais, notre collègue Kelvin Ndihokubwayo propose la « titrisation », comme une innovation financière pour faire face à ce défi.
Le phénomène est complexe, mais compréhensible. La titrisation consiste à transformer en titres des créances représentatives de crédits, au lieu d’attendre l’échéance pour en récupérer la valeur. Pratiquement, il s’agit de la revente d’une créance sur le marché financier, avant échéance. C’est-à-dire que la banque va libérer une partie de ses fonds propres qui aurait servi à couvrir les risques liés aux prêts qu’elle a vendus, en vue de prêter davantage à l’économie.
Pour mieux comprendre, partons d’un exemple. Une coopérative X veut investir, et demande un crédit à une banque pour une échéance d’une année. La banque qui donne le prêt a désormais une créance qui a une échéance d’une année. Théoriquement, la banque « nourrit » le crédit jusqu’à l’échéance établie, et le montant du crédit figure à l’actif du bilan de la banque. Mais cette banque peut à son tour émettre un titre représentatif de ce crédit avant échéance, et vendre immédiatement ce titre. Une autre coopérative Y rachète la créance de la banque, et la banque retrouve immédiatement les fonds qui étaient engagés jusque-là pour « nourrir » le crédit d’origine. Ces liquidités peuvent permettre à la banque d’accorder de nouveaux crédits à d’autres coopératives.
Prérequis
Le marché de capitaux est naissant. La loi régissant ce marché a été promulguée en février 2019. En octobre 2020, celle régissant le régulateur du marché de capitaux a été publiée. Et en novembre 2020, l’expert qui a instauré la bourse du Rwanda, a été recruté pour aider à rendre opérationnel le marché boursier du Burundi en juin 2021.
Malgré ces avancées, le marché boursier au Burundi n’a pas encore développé ses racines. Seulement, en finançant le déficit budgétaire, l’Etat burundais émet principalement des titres publics achetés par les banques commerciales, les compagnies d’assurance et les caisses de retraite. Nonobstant, s’il y avait un marché financier effectif, où les entreprises et les particuliers dont les jeunes entrepreneurs pouvaient accéder grâce à la titrisation, l’accès au financement impulserait l’entrepreneuriat, et par ricochet, la prospérité au Burundi.
Pour rappel, les marchés de capitaux développés améliorent la disponibilité des financements à long terme pour les petites et moyennes entreprises. En effet, sur le marché financier, la titrisation permet à la banque de se débarrasser de créances en les rendant négociables. Cela a pour but de faire circuler facilement les créances, en les cédants à d’autres soit pour accorder de nouveaux crédits, soit pour transférer des risques jugés excessifs, à ceux qui accepteraient de les assumer, moyennant une prime.
Que faire ?
Même si en 2008, la titrisation a été accusée par le monde financier, d’être à l’origine de la crise des « subprime », Jean-Yves Naudet explique que c’était parce que les établissements de crédit n’ont pas analysé la qualité des créances. Ils ont mis des créances peu fiables dans des titres négociables, mélangées à d’autres, ce qui a provoqué l’effondrement. Une erreur qui selon lui, ne résulte pas de la titrisation en soi, mais des autorités monétaires et politiques qui ont forcé le marché de l’économie dans une logique ultra-keynésienne.
Si dans le contexte burundais, après l’avènement du marché financier, les établissements financiers parviennent à mieux classer et ventiler les créances, le pays tirerait profit de la titrisation par l’accroissement de la capacité de financement des banques. Ces dernières vont satisfaire les exigences réglementaires en matière de fonds propres, et vont réduire les coûts d’intérêts, lesquels sont des goulots d’étranglement de l’accès des financements pour l’entrepreneuriat au Burundi.