Malgré les importantes subventions sur le prix du carburant supportées par l’Etat du Burundi, le pays prend la deuxième place dans l’EAC, derrière l’Ouganda, parmi les pays qui ont un prix élevé de l’essence, et la première place pour le diesel, avec un prix qui dépasse largement les prix moyens au niveau mondial. Pour la flexibilité du prix du carburant au Burundi, décorticage des enjeux et solutions avec notre collègue Guy Eudes Barakana.
Avant la forte augmentation des prix du carburant en octobre 2022, suite à la décision de l’OPEP+ de réduire sa production, il y avait une baisse des prix du baril sur le marché international pour le mois d’août et de septembre 2022. La cause était la dépréciation de l’Euro vis-à-vis du dollar. En ce moment, la Tanzanie par exemple a baissé les prix à la pompe.
Malheureusement, cette baisse n’a pas influencé les prix du marché local au Burundi, et cette baisse ne s’est pas fait sentir. Les prix sont restés à 3 250 BIF pour l’essence, 3 450 BIF pour le diesel et 3 150 BIF pour le pétrole. Alors que normalement, sur le marché international, le prix du baril est caractérisé par des hausses mais aussi de légères accalmies, la dernière baisse du prix du carburant au Burundi remonte en 2014.
Raisons
Tout comme les autres produits, le cours du pétrole brut sur le marché international dépend de la variation des prix en fonction de l’offre et de la demande. Au Burundi, la fluctuation des prix du carburant ne se fait pas ressentir à cause de la lourdeur des taxes. Le prix au marché local dépend de ce prix au marché international, couplé aux trois sortes de taxes sur chaque litre de carburant vendu. Il s’agit de la taxe carburant (210 BIF par litre), des droits d’accise (155,4 BIF par litre) et de la TVA. En plus, il y a la taxe payée par les automobilistes pour alimenter le fonds routier (40 BIF par litre du carburant).
À côté de ces facteurs, s’ajoute aussi l’interventionnisme étatique. C’est le gouvernement qui décide du prix du carburant. Et comme le gouvernement est une entité légalisée qui est difficile à définir sa place adéquate, le fait que le gouvernement subventionne le prix du carburant, fait du gouvernement un Etat-commerçant, et par ricochet, fausse le marché qui n’est plus libre. En cas de la baisse des prix sur le marché international, l’Etat aura tendance à maintenir les prix en hausse pour récupérer les fonds utilisés en subventions. Par-là, le peuple lambda ne verra jamais l’impact des accalmies des prix sur le marché international.
En dernier, c’est le monopole qui règne dans ce secteur. Une mauvaise répartition de l’enveloppe de devises destinées à l’importation du pétrole crée un quasi-monopole dans le vrai sens du terme. Selon les chiffres d’un collègue du journal Yaga-Burundi, en 2022, les six sociétés importatrices du carburant ont bénéficié de 16 500 000 USD de la part de l’Etat, mais la société Interpetrol a pris la tête avec 10 millions USD. L’Interpetrol dans le passé, et le Regideso actuellement, jouit à eux seuls plus de la quasi-totalité de ces devises, induisant une concurrence déloyale. Ce dernier comporte plusieurs conséquences sur les prix, ce qui fait que les prix ne seront jamais flexibles même en cas de la baisse au niveau du marché international.
Quelle politique faut-il appliquer ?
Pour avoir des prix flexibles, le professeur Leonidas Ndayizeye montre que la meilleure politique serait de multiplier les importateurs en cassant la courbe du monopole, mais aussi réduire l’interventionnisme étatique dans ce secteur.
En plus, il faudra aussi penser à la voie lacustre pour réduire les prix du transport du carburant, car, par rapport à la voie routière, les bateaux qui font le transport lacustre ont une capacité de transport variant entre 500 et 1500 tonnes, témoignant qu’un seul grand bateau peut transporter l’équivalent de ce que peuvent transporter plus de 50 camions.
Enfin, le gouvernement devrait continuer à réduire les taxes sur le carburant, comme il l’a fait en 2021, lorsqu’il a abandonné la taxe (194,6 BIF sur chaque litre de carburant consommé) servant à financer le fonds stratégique du carburant.