Alors que la Banque de la République du Burundi a pour mission de faire en sorte que l’économie burundaise fonctionne sans tiraillement, les mesures de fermeture des bureaux de change et les restrictions sur les conditions des transferts instantanés internationaux, prises en février et mars 2020 pour lutter contre la dépréciation du franc burundais et rehausser le stock stratégique du pays en devises, n’étaient qu’une fausse bonne idée. Heureusement que le tir vient d’être rectifié. Le point avec notre collègue Francis Cubahiro.

Le 7 octobre 2022. De la bouche de Dieudonné Murengerantwari, gouverneur de la Banque de la République du Burundi, les mesures prises le 7 février 2020 et le 16 mars 2020, portant retrait d’agrément des bureaux de change et les restrictions sur les conditions des transferts instantanés internationaux, ont été levées. Les fonds reçus des transferts instantanés internationaux ne seront plus soumis au règlement en monnaie locale, et les bénéficiaires de ces fonds ont la latitude de les percevoir en devises, ou de les transférer sur leurs comptes en devises.

Ouf, cette bonne nouvelle est venue à point nommé. Elle signe la fin du maccarthysme monétaire au Burundi. Pour ceux à qui le terme “maccarthysme” n’est pas familier, il est utilisé pour qualifier toute politique qui, sous le motif de défendre la sécurité nationale, consiste à restreindre l’expression d’opinions politiques ou sociales considérées comme dangereuses ou subversives, en limitant les droits civiques. Voilà ce qui venait de se passer avec les deux ans qu’à durée ces restrictions du marché des devises, ce qui avait entraîné un vrai embrouillamini.

Quel embrouillamini ?

Alors que seuls les bureaux de change ouverts par les banques commerciales étaient jusque-là autorisés à assurer le change, certaines monnaies étrangères, à part seulement le dollar et l’Euro, n’étaient plus disponibles. « Durant les deux ans, le commerce transfrontalier à la frontière avec la Tanzanie et le Congo a été handicapé par le manque du Shilling tanzanien ou du franc Congolais par fermeture des cambistes », indique Ndikuriyo Gilbert de Gisuru, avant de renchérir « qu’aucune banque n’était à  Gisuru pour faciliter les changes ».

 Il y avait aussi une baisse des activités commerciales, et par ricochet baisse du stock stratégique des devises. La mesure de la BRB exigeait par exemple aux importateurs congolais qui quittent le Burundi avec des marchandises, de présenter un bordereau de la banque dans laquelle ils ont échangé leurs devises. « Cela a fait baisser les activités commerciales, car suite à cette restriction, la plupart des commerçants congolais ont suspendu leurs commerces sous peine de travailler à perte, vu que le prix proposé par les banques commerciales burundaises était moins attrayant que celui des cambistes congolais situés à la frontière », explique Patrick Malonga, commerçant Congolais.

Avec ces restrictions, les importateurs ne savaient même plus à quel saint se vouer. «Il y avait un plafond de 1000 USD que les banques ne dépassaient pas. En plus, pour l’avoir, il y avait toute une bureaucratie avec un formulaire à remplir et des documents à attacher, ce qui étouffait les affaires », confie Damascène Ndaruzaniye, commerçant qui importe de l’Ouganda.

Vers la liberté économique ?

Oui. Comme l’avait prédit la campagne Mfashakumenya du CDE Great Lakes, une série de réformes de la politique monétaire étaient nécessaires, pour soutenir l’assainissement de la situation économique, renforcer la résilience de l’économie burundaise et favoriser la liberté économique. Selon Gilbert Niyongabo, professeur d’économie à l’Université du Burundi, « ces décisions confirment l’ouverture économique et financière du Burundi au monde, ainsi que la reprise des relations avec la Banque mondiale, le FMI et les autres bailleurs de fonds, sans oublier que ces reformes vont stimuler les investissements directs étrangers au pays ».Ces nouvelles mesures concordent donc avec l’avis du Dr Salomon Nsabimana, spécialiste en macroéconomie, qui stipulait dans une table ronde de la campagne Mfashakumenya sur l’accès à la monnaie saine, qu’il fallait créer un environnement attractif permettant une ouverture aux investisseurs et bailleurs d’amener les devises dans le pays, et surtout de gérer de façon libérale la quantité de peu de devises qui est sur le marché.