L’absence de la liberté de commerce à cause des monopoles, déstabilise le marché de l’agribusiness au Burundi. Notre collègue Kelvin Ndihokubwayo analyse ce paradoxe qui résulte des inconvénients du monopole des fournisseurs des intrants agricoles et autres facteurs de production, et de l’influence des prix de ces monopoleurs sur l’agribusiness des jeunes burundais.

Via la libre concurrence, chaque agripreneur dispose de la liberté d’exercer une activité, de produire et de vendre aux conditions et au prix qui est proportionnellement aux coûts supportés pendant la production. Pourtant, la réalité au Burundi est tout autre. Le monopole sur les intrants agricoles, la fixation des prix par l’Etat, le monopole d’achat de l’Anagessa, etc , fait que l’agribusiness des jeunes n’est pas une sinécure.

L’entrave des monopoles

À titre d’exemple, avoir de l’engrais à temps pour la saison culturale relève du parcours du combattant. La pénurie, la spéculation et le retard dans la livraison de cet engrais n’ont pas été sans conséquences sur l’agribusiness. À l’origine de cette pénurie, se trouve le monopole de l’engrais au Burundi. En effet, seule une société semi-publique dénommée FOMI (Fertilisants Organo-Minéraux Industries) détient le monopole de production et de commercialisation. Le commerce des engrais par des particuliers est interdit. Même son importation sans l’autorisation du ministère de l’Agriculture est prohibée. Le hic, pour avoir cet engrais, les cultivateurs sont contraints de payer la solde au gouvernement, trois mois avant la saison culturale, via les bureaux communaux. 

Cela n’est pas sans conséquences. « J’ai cultivé sans engrais lors de la dernière saison culturale, car il y a eu une pénurie d’engrais alors que j’avais payé en avance. Et comme la terre est déjà sensibilisé à l’engrais, j’ai eu une maigre production », explique Janvière Nzinahora, une jeune agripreneuse de 26 ans qui s’est lancée dans la culture des légumes à Bugarama. Janvière renchérit que comme elle cultive les légumes toute l’année, elle enregistre une perte dans sa production, car « cet engrais est distribué deux fois seulement l’année et en petite quantité, et je manque où m’approvisionner en engrais le restant de l’année ». Ce monopole s’observe aussi avec les semences avec les mêmes défis.

Prix de vente versus coût de production

Partant de l’hypothèse selon laquelle tous les agripreneurs n’utilisent pas les facteurs de production dans les mêmes proportions, le constat est qu’il est difficile d’imposer un prix de vente. Ce dernier devrait résulter de la somme entre l’ensemble des coûts supportés afin de produire, le marché de l’offre et de la demande, sans oublier le gain souhaité. Or, au Burundi, ce prix est imposé de façon officielle pour la plupart des produits agricoles comme le maïs, le riz, les haricots, l’oignon, etc.

Cette imposition impacte négativement les jeunes agripreneurs, puisqu’ils ne supportent pas les mêmes coûts que les grands exploitants. « Alors que les agriculteurs jouissaient du choix de vendre au plus offrant, nul doute que le fait de fixer les prix officiels, va être favorable aux coopératives subventionnées par des fonds publics et qui ont bénéficié gratuitement de milliers d’hectares à exploiter, au grand dam de nous autres coopératives et simples cultivateurs travaillant avec nos propres moyens », confie Blaise Ndayizeye, un agripreneur de Gitega, avant de renchérir que cela va favoriser plus la fraude, et surtout la corruption.

Cette problématique de non-proportionnalité entre les coûts de production et le prix de vente pour la plupart des jeunes agripreneurs, résulte du monopole des activités d’achat et de vente des produits agricoles, animales et halieutiques au Burundi via l’Agence Nationale de Gestion du Stock de Sécurité Alimentaire « ANAGESSA » conformément au décret N°100/012 du 18 janvier 2021. 

Que faire pour arrêter ce phénomène ?

Seuls les principes de libre-concurrence, libre-marché et libre-entreprise peuvent résoudre ce défi des monopoles. Pour réussir le pari, une libéralisation du marché des intrants agricoles serait salutaire, afin de donner le choix à l’approvisionnement des agripreneurs. Mais aussi, la libéralisation du marché d’écoulement est une nécessité, afin de permettre aux jeunes agripreneurs de vendre au plus offrant selon les lois de l’offre et de la demande.

Pour cela, il faut revoir certaines lois et décrets en les purifiant de toute forme de monopole, forger une politique de production et de concurrence assez solide sur le marché interne et externe, bannir le protectionnisme au profit du libre-échange, pour ouvrir la voie à de nouvelles usines de transformation et industrie agroalimentaire.