Que ce soit avec le Programme d’Autonomisation Économique et d’Emploi des Jeunes (PAEEJ), la Banque d’Investissement pour les Jeunes (BIJE), ou la Banque Communautaire et Agricole du Burundi (BCAB), l’accès au crédit et aux financements dans l’agribusiness des jeunes ne devrait plus être une entrave. Pourtant, selon notre collègue Pierre Claver Nimubona, l’obtention d’un crédit pour la plupart des jeunes relève d’un parcours de combattant. Analyse.
Entreprendre exige des fonds. Des moyens financiers qui, dans un pays à faible revenu comme le Burundi, ne sont pas à la disposition des potentiels jeunes agripreneurs. Dans ces conditions, le recours au crédit bancaire devient une alternative. Le monde entrepreneurial des jeunes burundais attendait alors avec espoir le lancement des activités de la Banque d’Investissement pour les Jeunes. Cet espoir était fondé sur le fait que la BIJE appliquerait un taux d’intérêt défiant toute concurrence de 7 %, au moment où les taux d’intérêt couramment appliqués dans le système financier burundais allaient de 12 % à 20 %, et même plus.
En plus de la banque des jeunes, la banque communautaire agricole du Burundi allait voir le jour pour booster l’agribusiness au Burundi et l’accès au crédit des agripreneurs. Et pour couronner le tout, une enveloppe mirobolante de 48 milliards a été mise à la table pour financer les projets des jeunes, via le Programme d’Autonomisation Économique et d’Emploi des Jeunes.
Et pas que cela, au mois d’octobre 2019, une circulaire de la banque centrale a notifié des nouvelles mesures de politique monétaire pour soutenir les secteurs porteurs de croissance, en l’occurrence l’agribusiness. Ces mesures réduisaient les taux d’intérêt aux crédits pour les secteurs porteurs de croissance économique, via un système de refinancement, qui permettaient aux banques commerciales et microfinances de se refinancer à un taux bas, pour que les secteurs productifs comme l’agribusiness, soient financés avec des taux accessibles. La marge à appliquer au dernier bénéficiaire du crédit est revenue à 5 % pour les micro-finances et 6 % pour les banques qui financent directement les projets.
Quatre défis à relever
Depuis le 15 mars 2020 avec le lancement de la BIJE, le 21 avril 2020 avec le lancement de la BCAB, ou en avril 2021 avec la mise en exécution du PAEEJ, plusieurs défis handicapent encore l’accès aux crédits et aux financements.
De un, la Banque d’investissement pour les jeunes est uniquement implantée à Gitega, la capitale politique du pays. Cela handicape l’accès aux autres jeunes des autres provinces du Burundi, qui ont du mal à profiter de ses services. « J’ai dû dépenser un ticket aller-retour pour s’enquérir des critères d’éligibilité au crédit, puis y retourner pour déposer le dossier, ce qui m’a coûté autour de 100 000 Fbu en tout. C’est trop pour un chômeur qui veut entreprendre », témoigne Ange Nisubire de Makamba.
De deux, les jeunes disposent de peu ou pas d’informations sur ces banques qui devraient financer leurs projets. La plupart n’en ont jamais entendu parler. « Je connais la BIJE via les médias sociaux, car aucune agence de cette banque n’est installée dans notre province, ni dans les provinces voisines », confie Jean Marie Manirambona, un jeune de 21 ans. Alors que cette dernière a commencé à octroyer des crédits aux jeunes il y a peu, Jean Marie dit ignorer son fonctionnement : « Je ne connais même pas les critères d’éligibilités au crédit, ni d’autres informations concernant cette institution », renchérit-il.
De trois, le manque de garantie, d’avaliseur ou d’hypothèque, entrave les jeunes aux crédits. Jeanne Ndayizeye n’a pas été retenue pour un crédit à la BIJE. Elle s’est tournée vers la banque communautaire agricole pour demander un prêt. Malheureusement, la Banque lui a confié qu’elle n’accorde pas de prêt sans garantie. « Les institutions financières estiment le financement des projets de l’agribusiness trop risqué par les conditions météorologiques imprévisibles, petite échelle de production, compétences techniques limitées des jeunes agriculteurs et éleveurs, etc, et exigent en échange des prêts, des garanties solides comme des titres de propriété que les jeunes n’ont pas », confie Jeanne.
De quatre, les institutions bancaires sont réticentes à mettre en exécution la circulaire de la BRB, par crainte de la fluctuation de la valeur des remboursements causés par le taux d’inflation élevé. « Le risque est que le taux d’intérêt maximal à appliquer au dernier bénéficiaire ne couvre pas les risques et les dépenses encourus », confie un jeune cadre d’une microfinance à Bujumbura.
Que faire ?
Les conclusions de l’enquête sur l’inclusion financière menée par la Banque de la République du Burundi (BRB) confirment ces obstacles à l’accès au crédit pour les jeunes. L’enquête note les garanties exigées, les procédures complexes, des taux d’intérêt élevés dépassant les 10 %, la présence d’un avaliseur des hypothèques et leur intérêt de ne prêter qu’aux salariés et aux commerçants déjà confirmés.
Pour pallier ces défis, la réponse réside dans la décentralisation de la banque des jeunes, la sensibilisation et formation sur l’élaboration des projets conformément aux critères d’éligibilité du Programme d’Autonomisation Économique et d’Emploi des Jeunes, sans oublier la réduction du taux d’intérêt bancaire. Une chose est sûre. Aussi longtemps que les banques et autres institutions financières appliqueront un taux d’intérêt élevé, beaucoup de projets, surtout ceux de jeunes, resteront dans les tiroirs.