Au Burundi, le dernier annuaire des statistiques agricoles date de 2016. Or, le manque de données du secteur agricole est un défi majeur aux investisseurs, et les jeunes qui se lancent dans l’agribusiness en font les frais. Pour notre collègue Pierre Claver Nimubona, l’urgence de disponibiliser une plateforme des données agricole est plus que nécessaire.

C’est une évidence, l’information statistique de base au Burundi sur le secteur de l’agribusiness n’est pas satisfaisante. En effet, le Burundi n’a jamais réalisé le recensement agricole, et de ce fait, ne dispose pas d’une véritable base de sondage actualisée. Les données sur la production vivrière et de l’élevage que dispose le pays, proviennent de l’Enquête Nationale Agricole du Burundi (ENAB) qui a eu lieu en 2011-2012, 2013-2014 et 2016-2017. Et d’ailleurs l’édition 2016 de l’annuaire des statistiques agricoles du Burundi, est la dernière, car ça va bientôt faire cinq ans sans données agricoles au Burundi.

Les agripreneurs en paient les frais

Alors que le chômage des jeunes se chiffre à plus de 93 %, certains jeunes ont vite compris que l’entrepreneuriat agricole se révèle comme la solution primordiale au chômage. Jean Claude Nikondeha, jeune chimiste de 24 ans s’est lancé dans l’agribusiness pour survivre : « J’ai décidé d’investir dans la culture du maïs parce que le marché local était florissant pour écouler ma production. »

« Au début », poursuit-il, « Je croyais que le problème était le capital financier. Mais, lorsque j’avais commencé à élaborer mon projet, je me suis heurté sur le manque des données sur les semences afin de pouvoir faire un bon choix de la variété basé sur les études scientifiques, la qualité et la rentabilité ». Ce jeune a consulté en vain le site web du ministère de l’Agriculture, de l’Isabu, et de l’Isteebu. Aucune donnée récente. Du coup, il a acheté des semences sans savoir ses qualités et sa rentabilité. À la fin, la production a été mauvaise, et est aujourd’hui démotivée à continuer dans l’agribusiness.

L’impossible prévision

Selon Jean Claude, l’absence des données du secteur agricole constitue un obstacle majeur aux jeunes. « Il est impossible de développer l’agriculture prédictive sans savoir les variétés des semences, la pluviométrie, les principales cultures par région et leur rendement pour pouvoir prévoir la récolte », explique Nikondeha.

Ce jeune agriculteur fait savoir que les temps ont révolu : « L’agriculteur d’aujourd’hui n’est plus comme celui des années 80. Pour le moment, on cultive pour vendre alors que les paysans pratiquaient l’agriculture pour se nourrir ». Alors, avant d’investir dans l’agriculture et l’agribusiness, les jeunes ont besoin des données sur les semences, les caractéristiques agro-écologiques du pays, la pluviométrie, les engrais, les prix, le cours des marchés, l’indice de production agricole, etc.

Piste de solutions

Il est urgent de mettre en place une plateforme des données du secteur agricole. Par exemple, le Burundi peut mettre en place un plateforme-semence. Cette dernière sera un outil de collecte de données liées aux semences comme les variétés, la quantité de semences disponibles, la qualité, les prix, les régions de production et de stockage, les producteurs de semences, etc.

Les statistiques sont les yeux des décideurs politiques, et l’outil des agripreneurs. Pour améliorer cette question des données agricoles, il faut valoriser, équiper en matériel et en personnel qualifié, sans oublier de financer les agences qui fournissent ces données comme l’ISTEEBU, l’ISABU, ou l’IGEBU. Cela permettra une meilleure prise de décision sur l’accès aux intrants, la pluviométrie, la fourniture de conseils agricoles et l’accès aux marchés, et par ricochet, la production agricole sera améliorée, les pertes après récoltes seront réduites, et les finances des jeunes agripreneurs s’en trouveront renforcés.