Pour la crédibilité et l’écoulement des produits au marché local et transfrontalier, la certification est plus que nécessaire. Néanmoins, au Burundi, cinq défis entravent l’accès et l’obtention de la certification pour les jeunes agripreneurs. Décryptage de notre collègue Jean Hubert Kwizera.
Dans l’agribusiness, la certification présente de nombreux avantages. Elle permet l’extension du marché à des zones où leur réputation est inconnue ou à besoin d’être renforcée. Elle permet également la démarcation et la bonne réputation de l’entreprise et du produit par rapport à la concurrence, et elle aide à accroître la compétitivité des produits sur le marché transfrontalier lors des exportations.
Au Burundi, pour un jeune qui se lance dans l’agribusiness, le Bureau Burundais de Normalisation et Contrôle de la Qualité (BBN) et le Centre National de Technologie Alimentaire (CNTA) est un chémin obligé. « Sans les analyses qui approuvent que vos produits sont à mettre sur le marché, vous êtes littéralement bloqués », explique Dr Nukuri Emery qui a fait une étude sur la certification au Burundi.
Le hic, comme le souligne le Directeur du BBN, la plupart des produits qui sont sur le marché burundais ne sont pas certifiés. Pourquoi ? Les jeunes agripreneurs s’expriment.
La cherté de la certification
« J’ai dû laisser tomber toutes les procédures de certification, car elles étaient facturées à un prix supérieur à mon capital », confie Euphrem Ndayikeje, agripreneurs de la société Burundi bw’Ejo Developpement Center. « Pour chaque produit, le bulletin d’analyse microbiologique s’obtient contre 175.000 Fbu, celui d’analyse microchimique contre 192.000 Fbu, une somme exorbitante pour les jeunes chômeurs qui débutent dans l’agribusiness », ajoute Ndayikeje.
La lenteur de la certification
En plus de la cherté, il s’observe une lenteur notoire dans l’obtention de la certification. « Une année s’est écoulé sans que je n’aie accédé à ces documents », confie Iradukunda Annie, 20 ans, qui œuvre dans la transformation des pommes de terre en fritures. « Dans les textes régissant la CNTA par exemple, le délai d’analyse est de dix jours. Un temps qui dans la réalité peut aller jusqu’à deux, trois voire même six mois », poursuit Iradukunda. Conséquence, les jeunes qui se lancent dans l’agribusiness sont rapidement démotivés.
La sous-information
La plupart des agripreneurs mettent un produit non certifié sur le marché alors que la procédure normale exige qu’il faut avoir un certificat du BBN avant de mettre un produit sur le marché. Pour Delphin Irakoze qui œuvre dans la fabrication des jus de gingembre, « beaucoup de jeunes burundais ignorent les procédures techniques requises pour mettre un produit sur le marché, et la plupart de ceux qui se lancent dans l’agribusiness n’ont pas de canal d’information sur la certification et les procédures y relatives », regrette-t-il.
La centralisation de la BBN et du CNTA
« Je serai en train de mentir si je dis que le BBN peut couvrir tout le pays », affirme Sévérin Sindayikengera, directeur général du BBN. « Tous ces organes de certifications sont basés à Bujumbura, exigeant des frais supplémentaire de déplacement, restauration et logement pour les jeunes de l’intérieur qui se lancent dans les procédures de certification », explique Ndayizeye Consolatte d’Itaba qui œuvre dans la transformation du piment à vendre. « Pour cette même raison, les jeunes qui ont eu la certification de leurs produits ne le renouvellent jamais », ajoute Consolatte, avant de défendre la décentralisation des organes de certification au Burundi.
Le manque du « certificat système » de la BBN
Le BBN, même si il est un organe de certification, n’est pas certifiée « système », et ses laboratoires ne sont pas accrédités. « Cela est une entrave pour les jeunes agripreneurs qui veulent exporter leurs produits, car il arrive que les pays développés dans la certification refusent de reconnaître le certificat du BBN », confie Ir Aristide Ihorimbere, un jeune apiculteur de la commune Ngozi. « Actuellement, le certificat octroyé par BBN donne le feu vert aux entrepreneurs de vendre leurs produits dans les pays de l’EAC, mais pas dans d’autres pays situés en dehors de cette communauté », confirme le Directeur de la BBN.
Quoi faire alors ?
La certification donne une plus-value aux produits. Quand un produit est certifié, il se vend facilement sur le marché régional et international, et inspire confiance aux consommateurs. Pour assurer le plein épanouissement de l’agrobusiness des jeunes au Burundi, il faudra d’abord investir beaucoup plus dans les organes de certification des produits, en les dotant des équipements complets et personnels suffisants, pour pallier les défis de ces organes.
En plus, le monopole de la certification au Burundi devrait être aboli par l’autorisation des laboratoires privés pour appuyer le BBN et la CNTA.