Le 23 janvier 2021, la loi n°1/03 portant complément des dispositions du code de procédure civile relative à la reinstitution du conseil des notables collinaires a été promulguée. Pour notre collègue Franck Arnaud Ndorukwigira, c’est un grand impact pour les femmes qui ne pouvaient pas saisir la justice pour défendre leurs droits fonciers à cause de l’éloignement des tribunaux de résidence, chez qui ce conseil des notables va favoriser une justice de proximité.
Le projet Why Women du CDE Great Lakes l’explique bien. Le respect des droits de propriété des femmes sur les droits fonciers, est l’une des solutions à long terme pour promouvoir l’autonomisation économique des femmes. Guidé par ce principe, Médiatrice Nicayenzi, veuve de la commune Shombo ne s’est pas laissé faire. Elle qui n’a mis au monde que quatre filles, a vu les frères de son époux s’emparer de sa propriété foncière à la mort de son mari, pour faute de n’avoir pas mis au monde des héritiers mâles. Sans terre pour cultiver afin de survivre et élever ses filles, elle a saisi le tribunal de résidence de Karusi pour défendre son droit foncier.
Le coût de l’éloignement des tribunaux
Le processus n’a pas été une sinécure. À cause de l’éloignement du tribunal de résidence, elle a payé 6000 BIF pour son ticket « aller et retour ». Elle a fait cinq audiences pour pouvoir comparaître devant le juge, à cause de la lenteur des procédures judiciaires, ce qui lui a coûté 30 000 Fbu pour ses déplacements, et 60 000 Fbu pour le déplacement de ces deux témoins. Après avoir gagné le procès, elle a encore payé 25 000 Fbu de carburant pour le déplacement des juges qui devraient lui restituer la parcelle. Faute de la précarité économique à laquelle elle faisait face, elle ne pouvait pas trouver la totalité de l’argent à payer sans contracter une dette, raison pour laquelle elle s’est retrouvée dans l’obligation d’hypothéquer la parcelle qu’elle venait de gagner pour pouvoir rembourser.
Le cas de Nicayenzi n’est pas un cas isolé. Comme elle, elles sont nombreuses les femmes qui abandonnent leur droit de saisir les instances juridiques pour défendre leurs droits fonciers, à cause du coût induit par l’éloignement des tribunaux et la lenteur des procédures judiciaires. Et d’ailleurs, le taux des femmes qui saisissent les tribunaux pour des litiges fonciers est encore faible. En 2009, 38 % des plaignants sur les litiges fonciers étaient des femmes. En 2015, sur 1807 litiges fonciers portés devant dix tribunaux pour l’exercice 2014, 877 litiges, soit 49 % ont été introduits par les femmes contre 51 % par les hommes.
Rapprocher le justiciable de la justice
Face à tous ces défis, le conseil des notables au niveau collinaire est à saluer. Face à l’inégale couverture géographique des juridictions, l’article n°1 de la loi n°1/03 qui réinstitue ce conseil des notables, stipule qu’il sera étendu dans tout le pays au niveau de chaque colline de recensement, rapprochant la justice aux justiciables. Dans l’article n°2, la procédure devant le conseil ne donnera lieu à aucuns frais. Cela permettra aux femmes pauvres de pouvoir défendre leur droit foncier sans entraves financières.
Dans l’article 5, ce conseil sera chargé de recevoir les plaintes des parties en litige et donnera son avis sur toutes les affaires civiles de la compétence des tribunaux de résidence. Cela permettra à nombreuses femmes qui ne pouvaient pas arriver aux tribunaux de résidence d’être réconforté dans leur droit par ce conseil des notables. Et dans l’article 13, l’accord des parties obtenu et homologué à l’issue de la procédure du conseil des notables, deviendra exécutoire et aura valeur d’un jugement définitif.
Garantir le droit de recourir à la justice pour la femme burundaise, principe défendu par le projet Why Women du CDE Great Lakes dans les ateliers régionaux qui se sont déroulés au nord, au centre et au sud du pays, permettra aux femmes de saisir sans entraves les juridictions, afin de garantir leur droit de propriété foncière. Quand ces femmes se verront garantir tous les droits et qu’il n’y aura plus d’inégalités de chances en matière d’accès à la propriété foncière, c’est tout le Burundi qui en bénéficiera.