Le commerce ambulant, même interdit, est monnaie courante au Burundi. Plus pratiqué par les femmes et les jeunes entrepreneur.e.s en herbe, ce commerce permet aux pratiquants de gagner leur vie, de subvenir aux besoins familiaux et de retrouver leurs rêves perdus. Serait-il à encourager ou à bannir ? Quelques éléments de réponses avec notre collègue Arthur Bizimana.
Table à la main avec plein de petits ndagalas frais regroupés en petits tas, Béatrice Mpawenimana passe d’une maison à une autre en quête des clients. Du haut de ses 35 ans, cela fait 16 ans qu’elle fait du commerce ambulant. « Depuis que je me suis mariée, je me suis lancée dans le commerce ambulant des petits ndagalas. Aujourd’hui, j’ai déjà des clients permanents à Bwiza, Jabe et Nyakabiga », confie-t-elle. Par jour, ce commerce lui permet de gagner en moyenne un bénéfice de 6 000 BIF, pour un capital de 50 000 BIF. Un gagne-pain pour la survie de sa famille.
Le commerce ambulant est aussi pratiqué par les jeunes. Des moins scolarisés aux jeunes universitaires chômeurs. Alexandre Niyongere est l’un d’eux. Lauréat de l’Université du Burundi à l’Institut Supérieur de Commerce, il est depuis peu un agent de Lumicash et d’Ecocash, une commerce ambulant des unités de recharge téléphonique et du e-Banking en ambulatoire. Il se souvient s’être lancé dans le commerce ambulant une année après avoir vécu une période de misère et de chômage, où il était même incapable de s’acheter un pantalon ou une chemise. « Aujourd’hui, je suis capable de me prendre en charge en ville, et je parviens à économiser pas moins de 50 000 BIF chaque mois pour investir dans d’autres projets », explique Alexandre. Des rêves, jadis perdus, qui commencent à se profiler à nouveau.
Une solution pour le chômage
Le constat, c’est que le commerce ambulant est pratiqué par les femmes et les jeunes entrepreneurs en herbe. Ils ont en commun une équation à résoudre : la pauvreté. Et d’ailleurs, ils sont plus de 300 000 jeunes qui ont été enregistrés lors du recensement général des jeunes chômeurs en 2020. Pour mieux comprendre l’intérêt du commerce ambulant, les résultats du rapport d’enquête modulaire de l’ISTEEBU et la BAD au Burundi sur les conditions de vie des ménages 2013/2014 indiquent un taux de chômage de 1,6% au sens strict, et 2,4% au sens large. Ils mentionnent aussi un chômage plus important en milieu urbain qu’en milieu rural, avec un taux, au sens large, de 14,7%, touchant davantage les personnes instruites : 6,9% de niveau d’études secondaires et 17,9% de niveau supérieur. Avec un petit capital nécessaire pour démarrer le commerce ambulant, ils (elles) ont la possibilité de démarrer une activité génératrice de revenu leur permettant de se tirer du chômage et de la pauvreté.
L’autonomisation des femmes en jeu
Nombre de commerçantes ambulantes sont également de chefs de familles. Qui dit chef de famille, dit nourrir et vêtir les enfants, payer le loyer, les frais de scolarité, etc. En d’autres mots, le commerce ambulant permet à ces battantes de subvenir aux besoins familiaux et de réduire la pauvreté de ces familles vulnérables. Ces jeunes et ces femmes font tout leur possible pour améliorer leur revenu, par ricochet, leur vie. Ils ne voient dans ce commerce ambulant qu’un escalier qui les amènera à un autre niveau supérieur.
Une réforme s’impose
Alors que depuis 2017, ce commerce ambulant est banni surtout dans la capitale économique, et vu les heurs entre la police et ces commerçants ambulants, sans oublier des décisions ministérielles qui durcissent de jour en jour la répression de ce commerce, plusieurs questions taraudent. Que vont faire les 65 % des jeunes chômeurs ? Que sera la vie de ces milliers de mères chef de familles et leurs enfants ? N’est-ce pas un autre moyen d’accentuer la pauvreté en clouant au sol les activités entrepreneuriales, et même les droits des femmes ?
Face à toutes ces questions, une réforme et un climat favorable au commerce ambulant s’impose. Plutôt que de le bannir, le commerce ambulant est à encourager, et à réglementer de façon libérale, vu que le gouvernement n’est pas en mesure de créer de l’emploi pour toutes les personnes dans le besoin.