L’Etat du Burundi, à travers sa constitution, proclame le droit de tous les citoyens au travail. Par le discours public, il mobilise sa population à la participation active à l’entrepreneuriat. Alors qu’à travers cette mobilisation, certains Burundais se sont lancés dans le commerce ambulant, ce secteur fait face à mille et un défis. Le point avec notre collègue Robert Muheto.

Ils sont de plus en plus nombreux à exercer ce métier dans les rues des villes du Burundi. De jeunes hommes avec des habits dans la main ou dans des sacs à dos, des jeunes femmes avec des fruits ou arachides, ils/elles essaient tant bien que mal de vendre leurs marchandises.

Pourtant, en jetant un regard sur ce commerce ambulant, la réalité du terrain montre des disparités entre le discours politique et les actions de l’administration locale, en matière de gestion des initiatives prises par certaines catégories de la population pour son auto-développement.

Mille et un défis

Premièrement, il y a une lourde bureaucratie. Des mesures qui mettent le commerce au sol ne cessent de tomber comme la pluie. Tout commence en 2017 lorsque la mairie de Bujumbura a interdit le commerce ambulant dans la commune de Mukaza. En 2019, il y a eu interdiction de la vente des unités de recharge sous les parapluies dans le but de préserver la sécurité nationale. Récemment, les nouvelles mesures de délimitation de l’espace pour les deux roues et tricycles et l’interdiction du commerce aux abords de la voie publique, n’ont fait qu’empirer les choses. « Ce sont des décisions catastrophiques qui ont privé des milliers de jeunes de leur gagne-pain alors qu’exercer une activité génératrice de revenu vient en avant parmi les facteurs intervenant dans la satisfaction des besoins du présent », confie Karikurubu Trésor, avant de renchérir qu’aujourd’hui, les autorités municipales ne veulent plus des commerçants ambulants, car elles ont interdit aux administrateurs communaux d’octroyer des extraits du registre de commerce aux commerçants ambulants.

Deuxièmement, obtenir cet extrait du registre de commerce s’avère également être un lourd fardeau pour les petits commerçants ambulants. Une somme de 40 000 BIF doit être versée dans l’association pour être membre, afin d’avoir le droit à l’extrait du registre. « 40 000 Fbu c’est trop quand nos capitaux ne sont que de 10 000 BIF voire 20 000 BIF », raconte Jeannette Nduwayo, une autre commerçante ambulante.

Troisièmement, selon les textes suspendant le commerce ambulant signés par le ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme, un commerçant ambulant ne peut pas dépasser 2 millions de BIF de chiffre d’affaires pour ne pas concurrencer les commerçants qui exercent dans la légalité. L’OBR est préoccupé économiquement par le commerce ambulant qui peut tuer le commerce formel. « Si les ambulants installent leurs marchandises devant les magasins de nos contribuables qui intéressent le trésor public, ils vont leur prendre des clients. Dans ce cas, leur chiffre d’affaires va se réduire si bien qu’ils vont payer moins comme impôts et taxes », explique Nicodème Nimenya, Commissaire des taxes internes et des recettes non fiscales à l’Office burundais des recettes (OBR).

Quatrièmement et pas le moindre, c’est la traque policière. Nzinahora Sylvain, un autre commerçant ambulant, reproche à certains policiers de les arrêter même dans les quartiers périphériques. « J’ai été arrêté à Kanyosha et j’ai passé 4 jours en prison » se remémore-t-il. Pour recouvrer la liberté, les policiers lui ont exigé une somme de 10 000 BIF comme pot-de-vin. « Ce qui me fait mal, c’est que je n’ai pas pu récupérer mes marchandises, mon unique gagne-pain. », s’indigne Sylvain.

Une politique nationale s’impose

La réalité est là. Les risques et défis qui entourent le commerce ambulant au Burundi, constituent une entrave non seulement à l’auto-développement des vendeurs ambulants eux-mêmes, mais aussi à leur contribution au développement national. Une politique nationale sur la vente ambulante s’avère nécessaire, pour normaliser la gestion de cette activité à l’instar des modèles adoptés à Dar-es-Salaam en Tanzanie, à Bogota en Colombie ainsi qu’en Inde pour ne citer que ces exemples.