Le commerce ambulant, clandestinement, gagne de plus en plus de terrain. Notre collègue Francis Cubahiro s’est entretenu avec le président de l’association des commerçants ambulants, et nous relate l’historique et l’état des lieux de ce commerce au Burundi.
Le commerce ambulant a commencé à prendre de l’ampleur en 2013, au lendemain de l’incendie du marché central de Bujumbura. Ceux qui ont perdu leurs biens et leurs capitaux s’y lancent. En 2015, le 16 janvier, la loi d’avril 2010 portant code du commerce est révisée, et le commerce ambulant y est inclus. Le commerce ambulant devient légal, florissant et prospère.
Les commerçants ambulants n’étant pas immatriculés, ils opèrent de façon informelle, et ne paient pas de taxes ni d’impôts. L’office burundais des recettes (OBR) est préoccupé. Ses responsables ont peur que ce commerce ambulant puisse tuer le commerce formel. L’installation des marchandises devant les magasins des commerces, et donc contribuables, formels, leur prend des clients et risque de réduire leur chiffre d’affaires : ils pourraient alors payer moins d’impôts et taxes. Avec la crise de 2015, les commerçants ambulants sont accusés de perturber la sécurité de la ville. Ainsi, les perspectives du commerce ambulant commencent à s’assombrir.
Genèse des conflits
La peur de l’évasion fiscale prend de l’ampleur. Selon l’OBR, le commerce ambulant nécessite un encadrement et une bonne organisation par le ministère du Commerce. Plusieurs options sont proposées pour ces commerçants. Il faut les organiser, leur chercher un endroit de travail bien précis et les aider à prospérer. Une association pour les commerçants ambulants est créée. Il s’agit de l’Association pour la Promotion du Développement et Encadrement des Jeunes en Chômage (APDEJC). Pour être commerçant ambulant, vingt mille Fbu sont versés dans l’association pour avoir la carte d’identification du commerçant ambulant : 5000 Fbu pour être admis comme membre de l’APDEJC, 10 000 Fbu pour le gilet, 3000 FBu pour la propreté des lieux où ils travaillent, et 2000 Fbu pour la plastification de l’extrait du registre de commerce ambulant. Jusque-là, l’extrait du registre de commerce ambulant est obtenu gratuitement comme dispose l’article 45 du code du commerce, et l’administration communale accorde cet extrait aux commerçants dont les noms figurent sur la liste préétablie par l’APDEJC.
Après l’organisation, quel endroit pour les accueillir ? La question devient épineuse. Le marché central n’est plus, et ils n’ont pas de capitaux pour intégrer les marchés périphériques et payer les frais du lieu, les taxes et impôts comme d’autres commerçants. La mairie de Bujumbura cherche comment leur faire payer taxes et impôts au niveau de la commune dans laquelle ils opèrent. Mais le commerçant ambulant est par nature insaisissable, et n’a pas d’adresse. Aujourd’hui il est dans ce quartier, demain il sera dans un autre. Toutes les options échouent. En plus, l’insécurité bat son plein au centre-ville à cause de la crise de 2015.
Descente aux enfers
Pour des raisons de sécurité, en 2017, le commerce ambulant et le commerce aux abords de la voie publique sont prohibés dans le centre-ville de Bujumbura. Les commerçants ont le droit d’exercer leur métier partout en dehors du périmètre interdit. Mais, les commerçants qui faisaient ce métier pour survivre, et pour qui le centre-ville étant le seul où peuvent trouver des clients et écouler leurs stocks, passe dans la clandestinité. Ils continuent à opérer illégalement, ce qui ouvre la voie à une traque policière musclée. Jusqu’à aujourd’hui, cette traque continue. Travaillant dans l’illégalité, la corruption dans la recherche des extraits du registre de commerce voit le jour, et les documents qui devraient être obtenus gratuitement selon la loi, sont obtenus moyennant une somme de 40 000 Fbu. C’est là une somme énorme pour des gens qui n’ont que de faibles capitaux.
Face à cette situation, selon le président de l’association, la persévérance des prestataires malgré leur insécurité et celle de leurs produits, présage l’existence d’un climat de conflit autour du commerce ambulant dans la Mairie de Bujumbura. Cet état de fait suggère une mauvaise gestion d’une activité souvent taxée injustement d’illicite, pourtant légitime, mais dont le niveau de tolérance interpelle l’autorité habilitée à un exercice de diligence. Une action qui va dans le sens du dialogue pour formaliser ce commerce est ici souhaitable. Elle permettrait de faire une médiation, laquelle est porteuse de chance pour un développement intégral des marchands ambulants en tant que citoyens de plein droit.