Dix jours de grâce ont été accordés à la récente mesure limitant l’espace de circulation des deux roues et tricycles. Pour notre collègue Lucie Butoyi, voici quatre raisons qui devraient motiver la révision de cette mesure.

La décision du ministre de l’Intérieur est sans appel et ne semble pas fléchir. La date butoir d’entrée en vigueur de cette mesure a été fixée au 21 mars 2022. Entre-temps, les questions concernant la mesure fusent de partout. La société civile alerte sur les conséquences socio-économiques, mais en vain. Le désespoir se lit sur les visages des propriétaires de ces engins et sur les chauffeurs, chez qui ce métier était un gagne-pain. Au-delà, pourquoi cette mesure devrait être revue ?

La constitution en otage

La mobilité des biens et des personnes est un élément cher à notre constitution, vu son rôle dans le développement économique d’un pays. L’article 33 de la constitution du Burundi garantit ces libertés de mouvement et de circuler à travers ces mots « Tous les citoyens burundais ont le droit de circuler et de s’établir librement n’importe où sur le territoire national, ainsi que de le quitter et d’y revenir ». Cet article est complété par l’article 25 qui garantit le droit à la liberté du mouvement à tout citoyen burundais. Par-là, une mesure qui exclut une catégorie de citoyens d’accéder dans un endroit, ou limiter leur droit de circuler suite aux moyens de transport qu’ils utilisent, bafoue la constitution, et mérite d’être revue.

Un transport en commun lacunaire

En plus d’être insuffisants, les bus de transport ne se sont pas adaptés à l’expansion rapide de la capitale économique. C’est là que les deux roues et les tricycles apparaissaient comme pneu de secours, via la densité de la couverture spatiale et la flexibilité des prix et du parcours. « Ils arrivent partout, déposent le client exactement là où il souhaite descendre, quel que soit l’état du quartier et de la rue empruntée, contrairement au bus de transport en commun », explique Jeanne Nshimirimana, rencontrée sur la longue ligne d’attente du parking au centre-ville.

Le faible pouvoir d’achat

Si quelqu’un a recours aux tricycles, ce n’est pas parce qu’il ignore où se trouve le parking des taxi-voitures. La raison : ses moyens ne le lui permettent pas. Sans augmentation de revenues, si un Burundais lambda, avec notre PIB par habitant de 269 USD, doit utiliser un moyen de transports quatre ou cinq fois plus chers que ce qu’il prenait, cela va être très dur à supporter financièrement. Soit, il devra couper dans d’autres dépenses essentielles, soit marcher à pied si c’est possible, soit renoncer au déplacement, ou alors le faire dans de mauvaises conditions.

Entrave au Plan National de Développement

Capitale économique, la ville de Bujumbura doit créer un boom économique, et alimenter la croissance économique du Burundi. Et d’ailleurs, le gouvernement a une volonté de faire du Burundi un pays émergent d’ici 2040 avec un taux de croissance à deux chiffres. Malheureusement, une telle mesure nuit à l’esprit entrepreneurial, et décourage les investisseurs locaux. En effet, cette mesure va clouer au sol les initiatives des jeunes entrepreneurs qui avaient investi dans ces moyens de transport, des entreprises vendeuses de ces moyens de transports, des mécaniciens qui réparent ces outils de transport, des vendeurs des pièces de rechange, jusqu’à ceux qui exerçaient le métier de lavage de ces engins. Or, souvenez-vous que les investisseurs étrangers viennent rarement investir là où les investisseurs locaux ont eu peur d’investir. 

Last but not the least, ces moyens de transport sont d’un grand support à l’économie nationale. Ils sont utilisés par les petits commerçants ambulants, les petites et moyennes entreprises pour leurs services, des fonctionnaires et autres agents pour se rendre aux bureaux, et même pour ceux qui travaillent dans le secteur informel. Avec cette mesure, il y aura donc un impact négatif sur la vie socio-économique du Burundi, d’où la révision de cette mesure serait un atout de taille au nom et aux bienfaits de la liberté économique.