Le gouvernement du Burundi vient de donner un délai de 10 jours à l’entreprise FOMI, pour qu’il n’y est plus pénurie d’engrais. Or, derrière cette pénurie ce cache un monopole sans nom. Alors que le pays s’est doté depuis 2010 d’une loi sur la concurrence, notre collègue Pierre Claver Nimubona se demande quand sera opérationnelle la commission indépendante de la concurrence, qui sera en mesure de se prononcer sur ces pratiques illicites.
Déplorable. Le terme n’est pas assez fort pour qualifier la pénurie des produits de première nécessité. D’après Gabriel Rufyiri, président de l’observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques, les secteurs-clés restent fermés à la libre-concurrence. « Le commerce et l’importation du sucre, du carburant, des fertilisants, des boissons, des motos, des tissus, des cahiers… est le monopole des quelques hommes d’affaires », confia-t-il. Pourtant, une loi sur la concurrence est là, vieille de douze ans.
Cette loi a institué une commission indépendante de la concurrence. C’est un organe autonome qui est en mesure de se prononcer sur les pratiques anticoncurrentielles, sur la réglementation des prix ainsi que sur les problèmes de concentration économique. En un mot, il constituerait une voie de recours, un arbitre doté de pouvoirs étendus, pour veiller aux bonnes règles du jeu.
L’entorse
« Il est institué une commission indépendante de la concurrence », lit-on à l’article 9 de cette loi. Cette phrase fait penser que la promulgation de la loi et la mise en place de la commission auraient dû être concomitantes. Après douze ans, le gouvernement n’arrive pas à réunir cette commission pour régler des problèmes de monopole et d’ententes illicites entre les entreprises.
De un, par défaut de cette commission, c’est l’Etat qui juge et qui tranche. Le gouvernement peut-il être le régulateur de la concurrence ? Non. Lorsqu’une entreprise publique ou un privé qui entretient des affinités avec le pouvoir est impliquée, l’Etat ne pourrait prendre des mesures qui s’imposent en toute objectivité et à l’encontre de ses intérêts. D’où un contre-pouvoir pour garantir l’impartialité des décisions est plus que nécessaire.
De deux, la loi est lacunaire. Dans son article 6, le gouvernement peut contrer la libre-concurrence de la commission, en empêchant les hausses ou les baisses excessives des prix qui découle d’un fonctionnement anormal de marché, d’un bien ou d’un service, ou, interdire et restreindre l’importation des produits qui menace de causer un préjudice à une production nationale. Ce qui est contraire aux principes de libre-concurrence. En effet, l’Etat ne devrait intervenir que pour garantir le libre jeu des règles.
Cas d’école
Pour changer la donne, l’État doit réviser la loi sur la concurrence, et mettre en place la commission indépendante de la concurrence. En Tunisie, qui peut servir de cas d’école pour le Burundi, il y a un conseil de la concurrence, qui est une autorité administrative indépendante qui juge les pratiques anticoncurrentielles. En outre, ce conseil se prononce sur les requêtes afférentes aux pratiques anticoncurrentielles comme les ententes, les abus de position dominante, les abus de dépendance économique et les prix abusivement bas.
Un exemple à suivre, au grand bonheur des Burundais qui diront adieu aux monopoles et à leurs inconvénients, et qui savoureront les bienfaits de la libre-concurrence, spécialement sur les prix, la disponibilité et la qualité des produits.