Une mesure du ministère de l’Intérieur et de la sécurité publique vient de délimiter une zone interdite aux motos, vélos et tricycles dans la capitale économique Bujumbura. Pour notre collègue Lucie Butoyi, la mesure condamne à la misère des milliers de gens, et complique le déplacement. Que faire ?

« À partir du 11 mars 2022, pas de vélos, ni de motos, encore moins des tuk-tuk dans la zone délimitée, sauf les motos de la police ou celles immatriculées avec des plaques publiques ». La mesure est tombée le 23 février 2022, chassant ces moyens de transport, et clouant au sol plusieurs initiatives entrepreneuriales dans ce domaine.

« J’avais contracté un crédit pour acheter un tuk-tuk, enfin de compléter mon maigre salaire. Malheureusement, alors que je recevais la miette du salaire à cause du remboursement de ce crédit, cette mesure va clouer au sol mon business, et me plonger dans une misère totale », raconte une larme aux yeux, Jean Nibafasha, enseignant à Gasenyi. Au total, 8 000 taxi-moto, 8 134 taxi-velo et 4 275 taxi-tricycliques seront concernés par la mesure. En tout, 20 409 Burundais qui vont partir au chômage, et leurs familles sombrées dans la misère. Là, c’est sans parler aux conséquences pour le pays, car les propriétaires de ces moyens de déplacement à but lucratif ou privé, contribuaient énormément à l’économie à travers le paiement des assurances et taxes.

Mais, pas que cela

Au-delà du chômage, dans un pays avec un PIB par habitant de 269 USD, sans oublier la récente hausse du prix du bus de transport en mairie de Bujumbura, se déplacer va être un grand handicap. Ce ne sera pas tout le monde qui pourra payer tous les jours un bus, encore moins un taxi, là où il n’y a pas de bus. « Le petit prix minimum pour un taxi à Bujumbura est de 3000 Fbu. Comment, moi simple commerçante ambulante, je vais payer une telle somme, aller et retour, pour m’approvisionner, alors que mon capitale ne dépasse même pas 10 000 Fbu ? », se demande Anne Niyuhire, commerçante de poissons frais à Kamenge.

De plus, n’oublions pas l’insuffisance des bus à Bujumbura. Il y a des longues files d’attente au parking-bus même avant cette décision. James Ndaruzaniye, rencontré au parking vers 17h, en témoigne : « Ça fait presque une heure que je suis débout ici, dans cette file d’attente, et je risque de passer encore trente autres minutes, car il n’y a pas de bus ». Pour James, une chose est sûre, cette situation va s’empirer avec cette mesure.

« Le carburant encore ma sœur », me  lance un chauffeur d’un bus, avant de renchérir que même celui qui va acheter une voiture sera rattrapé par la chronique pénurie du carburant, et les embouteillages dans le mauvais état de la voirie urbaine.

Quelle solution ?

Il n’y a pas de solution miracle. Au lieu de brandir cette mesure pour prévenir les accidents, il fallait une rigueur en matière de sécurité routière. Souvent, ces accidents sont causés par le non-respect de la procédure d’accès au permis de conduire, qui est toujours entaché par la corruption. Certaines personnes ont ainsi le permis, sans la moindre connaissance du code de la route. Et d’ailleurs, le nouveau code routier prévoit le retrait du permis à certains conducteurs qui se méconduiraient. Bref, une bonne éducation des citoyens conducteurs et la discipline au sein des forces de l’ordre, fera l’affaire.

La meilleure solution est donc de revoir la mesure. Pourquoi inviter les Burundais à entreprendre pour ensuite leur mettre les bâtons dans les roues, en éliminant les initiatives entrepreneuriales comme celles des taxis-velos, taxis-moto, les tuk-tuk. Selon Aimable Manirakiza du CDE, il faut qu’il y eût ouverture du marché qui respecte la libre-concurrence pour tout le monde, en éliminant les monopoles et les tentatives de limiter les gens à travailler au-delà des zones ou des heures. Il faudra aussi attirer les investisseurs privés dans ce secteur, tout en réduisant l’interventionnisme de l’Etat dans la fixation des prix de transport. 

Si ce n’est pas le cas, cette mesure non-incitative à la libre entreprise va accentuer la pauvreté parmi les Burundais ordinaires, et le pays en général.