Depuis la fin du mois d’octobre 2021, les agents Lumicash devront avoir un NIF et un Registre de commerce. Ce qui peut, selon certains d’entre eux, casser leur business. Pour notre collègue Jonathan Ndikumana, cette réglementation risque d’obliger un grand nombre de jeunes qui essaient leur premier business à abandonner, impactantainsi négativement l’entrepreneuriat burundais.
Les chances d’être embauché s’amenuisent du jour au jour pour les jeunes diplômés du Burundi. La question de chômage est désormais sur toutes les lèvres. « Débrouillez-vous » est devenu le mot d’ordre et toute “la mesure de l’intelligence” pour ces jeunes qui doivent apprendre à mener le combat de la vie.
C’est dans cette logique de survivre que certains des jeunes diplômés ont dû ranger le stylo, enlever la chemise aux longues manches, pour se lancer dans les petites affaires. Des milliers de ceux-ci deviendront alors des agents Lumicash pour s’initier à l’entrepreneuriat. Avec des capitaux modiques très souvent empruntés, ces jeunes apprennent la gestion de petites affaires. Actuellement, ilss’inquiètent du fait qu’ils sont obligés de sortir brutalement de l’informel.
La réglementation et la pression fiscale risque de tuer dans l’œuf les futures entreprises
Selon les agents Lumicash interrogés, cette mesure condamnera beaucoup de jeunes qui vivaient de ce business à l’abandonner. « Les plus nombreux sont ceux qui seront obligés d’abandonner», affirme M.P, jeune universitaire vivant de ce commerce depuis quatre ans. Lui, il s’agit d’un coup de poignard dans le dos pour ces entrepreneurs qui ne gagnent que très peu. M.P affirme qu’il sera difficile voire impossible pour certains de pouvoir payer la taxe et rester avec quelque chose. Ce qui est inquiétant davantage pour ce jeune homme, c’est que cette mesure leur interdit l’utilisation de plus d’une carte sim. « On risque de perdre énormément », conclut-t-il.
Or, l’expérience a montré qu’au Burundi, les opérateurs économiques confirmés sont partis de l’informel pour intégrer le formel plus tard. Ce qui justifie que la pression fiscal qui condamnerait une grande partie de ces opérateurs économiques en gestation à la disparition risque d’avoir des conséquences néfastes sur le développement de l’entrepreneuriat.
Faut-il s’acharner sur le commerce de l’informel ?
Sur le plan général, la question de l’informel a cristallisé le débat surtout sur le cas des pays pauvres. Des rapports des institutions et des chercheurs se sont exprimés sur cette forme d’activité économique. Selon le Bureau international du travail, l’économie informelle prospère là où sévissent le chômage, le sous-emploi, la pauvreté, l’inégalité entre les sexes et la précarisation du travail. Cette institution soutient que l’informel joue un rôle important, particulièrement en matière de création de revenus, surtout au cas où l’emploi est relativement accessible.
Dans son article intitulé « L’Economie informelle, une bonne “mauvaise” pratique ? » paru aux Editions Lavoisier en 2012, Yvon Pesqueux, professeur de science de gestion français dit : « Il serait intéressant de distinguer entre un « bon » et un « mauvais » informel, qualifié ici de « conforme » (sous-entendu, conforme à la situation socio-économique du pays, donc bien loin des référentiels institutionnalisés). C’est aussi le lieu de genèse d’innovations, de construction d’un entrepreneurship qui n’est certes pas celui des business schools ni celui des très fréquentables « entrepreneurs sociaux».
On pourrait faire mieux
Si l’informel est souvent pointé du doigt comme étant un des facteurs plombant du développement, il faut admettre qu’il n’est pas pour autant bon à brutaliser. En effet, l’informel est un point de départ pour les futurs opérateurs économiques du formel. Plutôt qu’être écrasée par une pression fiscale et des réglementations, l’activité de ces jeunes devrait bénéficier d’un accompagnement pour assurer leur évolution rapide de l’informel au formel.
Si seules les grandes entreprises peuvent être exonérées, il fallait mettre en place une politique de soutenir financièrement les entreprises naissantes- opérant souvent dans l’informel-pour qu’elles atteignent le niveau moyen de contribuable confirmés.