Alors que le Burundi vit une spéculation sans précédent sur le carburant, le ciment et le sucre, le gouvernement ne tolère pas et ne fait que sanctionner les commerçants par des amendes administratives. Inspiré par l’Abrégé des principes élémentaires de l’économie politique de Germain Garnier, notre collègue Francis Cubahiro démontre que la spéculation est un mal nécessaire.

L’évidence est là. Avoir du carburant, du ciment, des devises, du sucre, de l’Amstel parfois, est un vrai parcours du combattant. Les files d’attente du 12 octobre des voitures et motocyclette devant la station Engen à Gitega, en témoignent. Et pour expliquer cette pénurie, le gouvernement accuse la spéculation des commerçants. Il fait même tout pour l’empêcher. Et ce sont les amendes de sanctions qui ne cessent de pleuvoir. Au-delà même des amendes, des emprisonnements. Le cas des responsables de la station-service Burundi Petrol Product, agence de Gitega, qui ont été condamné à 5 ans de servitude pénale pour spéculation du carburant, en témoigne. Même un deuxième vice-président du sénat a été destitué pour spéculation de sa société sur le sucre.

Equilibreur du marché

Les commerçants, voyant tarir les sources d’approvisionnement de ces produits, ont augmenté les prix de vente de leur stock. Pourtant, cette hausse n’est pas mauvaise. Elle entraîne un arbitrage des clients. Ceux qui ont un besoin urgent vont acheter, les autres moins pressés, vont retarder leurs acquisitions ou diminuer leur consommation en espérant que les prix auront baissé entre temps. Là, la spéculation retarde la pénurie pour ceux qui ont le plus fort besoin.

De plus, avec des prix plus hauts, la spéculation incite les usines de productionà tourner à plein régime pour diminuer les prix paraugmentation de leur production. Or, le gouvernement, en sanctionnant par des amendes pour maintenir les prix bas, commet une grave erreur. Il n’y a pas de ralentissement de la consommation, le stock s’épuise, la pénurie arrive donc plus vite, et comme il y a moins d’incitation à produire puisque les prix restent bas, la pénurie dure plus longtemps.

L’Etat, mise en cause

Les faits sont visibles. Le problème n’est pas la spéculation en soi, mais le facteur institutionnel qui créent des déséquilibres et qui en consolident la persistance. Tenez, dans les marchés des biens, l’État distribue des subventions, interdit le commerce d’un tel produit ou pas, agit en monopole, contrôle les prix et fournit des compensations aux producteurs et consommateurs pour qu’ils n’entrent pas dans le marché. Le cas du Maïs en témoigne.Même son de cloche dans les marchés financiers, où l’Etat par le biais du banque de la République du Burundi, augmente ou diminue l’offre monétaire à sa guise, contrôle le marché des devises, subventionne les banques des jeunes et des femmes, et donne des compensations aux banquiers et débiteurs pour qu’ils entrent ou non dans le marché. Par-là ces actions du gouvernement créent des dérives du monopole et de la concurrence déloyale, décroissent la productivité, ce qui souvent est à l’origine des pénuries.

Il faut alors arrêter de se chatouiller pour se faire rire. En se penchant sur la nature de cette spéculation qui s’observe au Burundi, la réalité est qu’il vaudrait mieux se focaliser sur le facteur institutionnel qui a créé ce déséquilibre ayant entraîné cette pénurie, au lieu de blâmer et de sanctionner la spéculation.