Au Burundi, le débat sur la succession est des moins consensuels. A l’heure qu’il est, la femme burundaise, celle rurale en l’occurrence n’a toujours pas droit à une propriété foncière. Ceci alors que la gente féminine est la plus nombreuse géographiquement, dans le domaine agricole parlant et alors que l’arsenal juridique national et international est en faveur du droit à l’héritage. Cette situation interpelle notre collègue Patient Muzima qui appelle au changement.
Deux chiffres pour commencer. Au Burundi, plus de 70% de la main-d’œuvre travaillent dans le secteur de l’agriculture et de l’élevage dont plus de 90% sont des femmes. C’est donc une évidence, les femmes sont majoritaires dans le monde agricole. Elles ont donc besoin de la terre. Mais en dépit d’une civilisation juridique mondiale contre l’exclusion de la femme, cette dernière reste discriminée et son droit de succession foncière reste limité.
Ici, la coutume burundaise est présentée comme responsable de cet état de fait. Mais est-ce vraiment le cas ? Pas si sûr. Comme on peut le lire dans cette étude, la coutume burundaise ne contient rien de discriminatoire dans sa philosophie. En fait, n’y a jamais eu une coutume qui a prêché la discrimination contre la femme en matière de succession foncière. Par contre, c’est son interprétation qui est à l’origine des restrictions du droit de succession de la femme, les mentalités masculines restant domine par dans le système patriarcal.
Mais légalement, la femme devrait-elle hériter ?
Que oui, comme on peut le voir à travers ces instruments juridiques que le Burundi a ratifié. Ici, il faut rappeler que l’adhésion du Burundi aux nations-unies implique l’incorporation de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme dans son cadre légal interne. Cet instrument consacre en son article 17 le droit à la propriété pour toute personne et réaffirme que nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
Le Burundi fait partie de la Convention sur l’Élimination de toutes les formes de Discrimination à l’égard des Femmes et du protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatifs aux droits de la femme en Afrique signé le 13 novembre 2001.
Qui plus est, le pays a également ratifié, la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981. Nous sommes le 28 juillet 1987. Il a aussi ratifié la Convention sur les droits politiques de la femme ratifiée. C’est sans oublier la Déclaration solennelle pour l’égalité de genre en Afrique, la Déclaration sur les problèmes et enjeux fonciers en Afrique, etc. Autant de conventions ratifiés par le Burundi et qui de facto devrait l’obliger à reconnaître le droit à la succession foncière de la femme.
Le cadre légal burundais pas contre ce droit
Pour le constater, il faut partir de l’accord d’Arusha. Cet accord met en place les prémices qui s’inscrivent dans la dynamique de la modernisation du droit foncier et de son accès pour les femmes remontent. Si l’accord a été signé pour guérir les plaies de la discrimination ethnique, il fait saluer que les parties en négociation ont posé les bases pour combattre les discriminations dirigées contre les femmes. Et plus récemment, la constitution de juin 2018 arrête le principe de l’égalité entre tous les citoyens et la jouissance des mêmes droits par tous les citoyens sans distinction basée notamment sur le sexe.
Quant aux code foncier, il stipule que «toute personne physique ou morale peut jouir, sans discrimination aucune […] de tous les droits définis dans le présent code et les exercer librement, sous réserve du respect des droits d’autrui et des restrictions résultant du respect de la loi »
Si la proposition de loi sur les successions, régimes matrimoniaux et libéralités qui a avorté en 2004, il ne reste pas moins utile aujourd’hui. Impossible d’imaginer un Burundi qui exclue une partie de la population pour un droit des plus fondamentaux, celui d’hériter des biens de ses parents.
Il est vrai, la succession des terres en milieux urbains est un tout petit peu acceptée, mais il se trouve que dans le monde rural, l’ère est encore au statu quo. La femme reste discriminée alors même que l’arsenal juridique international et national plaide pour l’accès à la terre sans discrimination. L’urgence est donc là. Ce n’est en tout cas pas la reconnaissance de droit qui fera reculer le Burundi comme sembler l’avancer une certaine opinion. Au contraire.