Alors que les bienfaits du libre-échange ne cessent de faire des prouesses, des lois et règlements protectionniste sont toujours en vigueur au Burundi. Pour notre collègue Païnette Niyongere, cela n’est pas sans conséquences pour les commerçants transfrontaliers, et par ricochet, à toute l’économie nationale.

Le protectionnisme consiste pour un État à instaurer des mesures tarifaires ou non-tarifaires destinées à limiter les importations de produits ou services afin de favoriser les productions nationales. Le Burundi en est un grand champion. Tenez. Le 1er  mai 2012, le président de l’époque recommandait « la synergie de toutes les instances et institutions pour que soit assurée la sensibilisation de la population à tous les niveaux pour la conservation et la protection de nos produits, surtout vivriers, pour éviter que la production soit acheminée hors de notre pays ». Depuis lors, l’exportation des fruits comme les mandarines de la province Rumonge, le haricot à Muyinga, ainsi que le café a été interdite dans les pays limitrophes.

À part l’exportation, les importations de l’engrais chimique, du ciment, des pagnes,… sont prohibées, pour soi-disant protéger nos entreprises FOMI, BUCECO et AFRITEXTILLE.

Et cela n’est pas sans conséquences

Sur le terrain, ce n’est que la désolation et la grogne. À Bujumbura City Market (chez Sion), les mandarines pourrissent sous les yeux des commerçants. Sylvie, mère de deux enfants, se trouve dans le désarroi. « C’est paradoxal de nous dire que nous faisons partie de l’East African Community et de nous interdire de vendre nos produits dans les pays de la même zone », se plaint-elle avant de renchérir que ses trois enfants vont mourir de faim. Pour le moment, cette vendeuse de fruits indique qu’elle a un sérieux problème de conservation des marchandises, car les mandarines et les oranges sont périssables. « Nous sommes obligés de les vendre à un prix dérisoire et une certaine quantité pourrie est jetée dans la nature » déplore-t-elle.

Même son de cloche à Muyinga. Nicole Nduwayezu, qui exportait les haricots vers la Tanzanie, n’en revient pas. Assise sous un parapluie, cette mère de famille fait savoir qu’elle est découragée. « Le commerce fait partie des éléments qui permettent d’accroître la production et non l’inverse », explique-t-elle, avant d’ajouter qu’elle n’est plus en mesure de subvenir aux besoins primaires des siens. « Si cette situation perdure, elle craint que sa famille risque de s’enfoncer dans la misère », confie-t-elle.

Et par déséquilibre de l’offre du ciment et de l’engrais chimique par rapport à la demande, le Burundi fait suite à une pénurie récurrente du ciment et de l’engrais chimique à cause de ce protectionnisme. Claudine, cultivatrice des légumes toute l’année dans les vallées de Ntahangwa, se lamente du fait qu’elle enregistre une perte dans sa production, car cet engrais est distribué deux fois seulement l’année et en petite quantité, et manque où s’approvisionner en engrais le restant de l’année. Désormais, elle dit s’en remettre à Dieu pour la sauver.

Et si le pays adoptait le libre-échange ?

Pour le professeur Patrice Ndimanya de l’Université du Burundi, le protectionnisme est une grave erreur. Il indique que même les pouvoirs les plus absolutistes comme ceux des empereurs romains n’ont jamais réussi, à travers les politiques interventionnistes et protectionnistes, à protéger les cours. Et d’ajouter : « imaginez si par réciprocité, ils bloquent les exportations vers le Burundi, alors que nous sommes déficitaires en aliments de base ! ». En plus, bloquer l’entrée d’un produit sur le territoire d’un autre favorise la fraude et la corruption, et cela nuit à la prospérité nationale. 

Pour ce professeur, une volonté ferme de développer le commerce burundais par le libre-échange est une nécessité, car sans liberté dans le commerce, la prospérité est freinée et cela devient un obstacle pour la croissance et le développement.