Face à la récurrente pénurie du sucre qui faisait parler d’elle il y a quelques jours, l’Administrateur Directeur Général de la Sosumo et son ministre de tutelle n’ont eu de cesse de crier à la spéculation des commerçants. Ils vanteront au contraire « la suffisante production ». Mais quand on regarde l’évolution de la production, au mois de 2013 à 2019, il y a de quoi s’interroger. Le point avec notre collègue Patient Muzima.
Nous sommes nombreux à avoir toujours en tête la dernière et énième pénurie de sucre. Introuvable sur le marché, enfin au marché officiel veux-je dire, il était disponible au marché noir à un prix des moins enviables. Plus de 3000 Fbu le kilo pour un produit qui normalement se vend à 2500 Fbu. Spéculation de la part des commerçants ? Allez savoir. Mais, c’est la raison avancée par les sources officielles. Une spéculation qui a d’ailleurs conduit les autorités de la seule sucrerie du Burundi à rayer de la liste des commerçants grossistes accusés d’être responsables de la pénurie.
Sans effet, disent certaines voix qui déplorent la persistance de la pénurie même si elles reconnaissent la réapparition de ce produit sur les rayons des certains magasins, alimentations et boutiques. Ne me demandez pas à quels prix. Mais pour Jean, tenancier d’une alimentation au centre-ville, la situation n’est pas du tout rassurant : « Même avec l’accalmie, rien ne garantit que sa carence ne va pas encore se pointer dans un pays qui vit au rythme de pénurie de plusieurs produits stratégiques ».
Une pénurie qui peut s’expliquer
Loin de moi l’idée d’ignorer les possibles spéculations de la part de certains commerçants (ce qui ne serait pas nouveau). Mais il ne serait pas non plus prudent de se passer des autres facteurs pouvant expliquer les récurrentes ruptures de stock du sucre. Et pour y voir clair, un petit saut de le passé pour constater l’évolution de la production de la Sosumo ne serait pas un plus. Un recul dans le passé (pas lointain) rien que pour illustrer que depuis 2013, la production de l’usine de Gihofi est allée decrescendo. Ce qui n’est pas à coup sûr sans conséquences.
En effet, s’il faut saluer l’évolution de la production depuis la mise en activité de la sosumo(en 1988, la production n’était que de 4657 tonnes), il ne faut pas perdre de vue que cette évolution est allée en dents de scie, alternant avancée et recul. A titre illustratif, en 1999, la production sera de 21.713 tonnes pour retomber à 14.314 tonnes en 2009.
Autre illustration, depuis 2013, la production n’a cessé de chuter. Elle est passée de 25.821 tonnes en 2013 (production record à 18.466,05 tonnes en 2019). Un net recul de la production depuis 2013 qui doit dans tous les cas expliquer cette récurrente pénurie de sucre au moins ces dernières années.
Encore que les importations de ce produit stratégique prévues pour compenser l’insuffisante production vont elles aussi en diminuant. Ceci alors que les besoins en sucre n’ont jamais été pressants. Il faut juste constater la multiplication des unités de fabrication de jus (et de la fabrication de boissons prohibées), la croissance démographique, etc. Ce n’est pas Joseph Butore, deuxième vice-président qui dira le contraire. Lui qui propose l’augmentation de la production jusqu’à 35 mille tonnes, quantité qu’il estime suffisante pour satisfaire la demande nationale.
Et à moi d’appeler à libéralisation de cette unique sucrerie nationale. Ou à défaut, le mieux serait d’ouvrir le marché du sucre aux investisseurs étrangers ou aux importations suffisantes. Ceci nous évitera de souffrir du monopole dans la production de ce produit si incontournable.